Khady Evelyne Denise Ndiaye est titulaire d’un Master 2 en Intelligence économique de l’Université Toulouse I, d’un Master 2 en Développement et financement du Secteur Privé de l’Université d’Auvergne-Clermont Ferrand I et d’un Doctorat Honoris Causa de l’Institut Africain de Recherche Pluridisciplinaire Appliquée et le Centre de Valorisation Professionnelle de Tunis.

Ancienne chargée de mission veille et intelligence économique de l’Agence régionale du Limousin pour le développement économique, elle a intégré la Commission de l’UEMOA en 2010, où elle occupe le poste de Directrice du Secteur Privé depuis janvier 2019. Elle y a pour rôle est de définir, mettre en œuvre et évaluer les stratégies, les politiques et la réglementation de l'Union dans les domaines de l’artisanat, l'industrie, de la compétitivité des entreprises, de l’amélioration du climat des affaires, de la promotion des investissements, de la promotion de la qualité et de la protection des consommateurs.  

Les 8 et 9 avril 2025, Mme Ndiaye a pris part à Londres, en Angleterre, aux BRVM Investment Days 2025, organisés par la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), où elle animé le panel inaugural aux côtés d’autres experts. Dans cette interview accordée à C’Finance, média spécialisé en information financière, cette ancienne lauréate de Top 100 Choiseul Africa (2023 et 2024) revient sur les potentialités et opportunités d’investissements dans la zone UEMOA qui ont été présentées lors de cette rencontre avec les investisseurs internationaux. Elle y dresse également un bilan satisfaisant de cette « initiative noble » qu’elle appelle à perpétuer, tout en plaidant pour une « meilleure implication du secteur privé communautaire dans ce type d’évènement ».

C’Finance (C.F) : Vous avez pris part aux BRVM Investment Days 2025, organisés par la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) les 8 et 9 avril 2025, à Londres, en Angleterre, sous le thème : « Explorer les opportunités d’investissement de portefeuille dans l’UEMOA », et qui a réuni des investisseurs et des panelistes de haut niveau. Vous étiez l’un des panelistes du panel inaugural, avec une communication axée sur « les perspectives économiques dans l'UEMOA, avec un focus sur les actions en faveur du développement du secteur privé, moteur de la croissance ». Quelles sont les perspectives économiques et les opportunités d’investissements dans la zone UEMOA qui y ont été présentées ?

Khady Evelyne Denise Ndiaye (K.E.D.N) : Au cours de ce panel fort intéressant, j’ai partagé avec les participants la croissance économique de l’UEMOA en 2025, estimée à 6,8 % contre 6,2 % en 2024 et 5,3 % en 2023. Cette performance résulte de la mise en production de ressources d’hydrocarbures au Sénégal et au Niger et d’une bonne tenue de l’activité économique en Côte d’Ivoire. Ainsi, on observe que la dynamique de croissance reste résiliente, malgré les diverses tensions, incertitudes budgétaires et les déséquilibres commerciaux. Cette croissance repose sur la vigueur de la demande intérieure, la relance des investissements privés et publics, et les efforts de diversification productive engagés dans plusieurs États membres.

La spécialiste en intelligence économique, Khady Evelyne Denise Ndiaye (droite) : « le terme qui me vient à l’esprit tout de suite est IMPACT. Cette initiative pour ma part est une réussite qui aura un impact clair sur l’attrait des investisseurs vers notre espace communautaire ».

 

Cependant, cette trajectoire reste fragile. La dette publique moyenne des États membres atteignait 60,3 % du PIB en 2024, limitant les marges budgétaires pour soutenir la croissance à moyen terme. Le déficit budgétaire global reste lui aussi préoccupant, autour de 5,3 % du PIB en 2024, bien au-dessus du seuil de convergence communautaire de 3 %. Dans ce contexte, la mobilisation du secteur privé devient essentielle pour assurer une croissance soutenable, inclusive, et capable de générer des emplois productifs.

Face à ce constat, la Commission de l’UEMOA a pris des mesures en vue d’accompagner efficacement le secteur privé communautaire à travers trois principales dimensions. D'abord, un cadre réglementaire régional propice à l'investissement. L'Initiative Régionale pour le Climat des Affaires harmonise les pratiques dans nos huit États membres, complétée par un projet de renforcement de la transparence et de la simplification des procédures administratives ainsi que le renforcement des capacités et l'appropriation des outils d’amélioration du climat des affaires.

Notre cadre réglementaire, stratégique et juridique d’encadrement des Partenariats Public-Privé (PPP), opérationnel, adopté fin 2022 et mis en œuvre avec l'appui de la SFI, offre aux investisseurs une prévisibilité et une sécurité juridique essentielles. Le Guide 'Investir dans l'UEMOA', dont la présentation est prévue au cours du premier semestre de 2025, constitue un outil de référence pour identifier les opportunités régionales.

Par ailleurs, face au contexte économique, social et politique actuel, la Commission prévoit d’élaborer un nouveau cadre de promotion des investissements, prenant en compte certaines dispositions du protocole sur les investissements de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf) ainsi que les priorités des États membres tout en restant conforme aux instructions du Conseil des Ministres sur l’encadrement de la concurrence fiscale.

Ensuite, un accompagnement direct des entreprises vers la compétitivité. Notre Programme régional de Restructuration et de Mise à Niveau a déjà fourni un diagnostic approfondi à 116 entreprises, identifiant précisément leurs besoins en investissement. Tremplin Startup, notre accélérateur régional, a accompagné sur trois éditions, 240 startups innovantes, notamment dans l’économique numérique, l'économie verte, l'agro-industrie et les ICC.

Notre partenariat avec l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) leur offre un accès privilégié aux outils de propriété intellectuelle, élément crucial pour attirer des investisseurs. Enfin, nous abordons frontalement les obstacles structurels. Pour les PME, qui représentent 90% de notre tissu économique mais n'accèdent qu'à 15% du crédit bancaire, nous travaillons désormais à la mise en place de mécanismes de financement adaptés, alternatifs et innovants. Notre action sur le coût de l'énergie - actuellement entre 90 et 150 FCFA le kWh contre 60 FCFA en Afrique du Nord - vise également à réduire ce handicap compétitif.

Pour répondre à ces défis, la Commission a soumis à l’adoption du Conseil des Ministres statutaire de l’UEMOA, la Stratégie de développement du secteur privé, articulée autour de quatre (04) axes : productivité, financement, cadre réglementaire, et coût des facteurs de production. C’est notre boussole pour la prochaine décennie. Toutes ces initiatives s'inscrivent dans une vision cohérente portée par notre Plan Stratégique IMPACT 2030, avec un dialogue permanent avec le secteur privé via la Chambre Consulaire Régionale pour assurer l'adéquation de nos politiques aux réalités du terrain.

Globalement ce panel fut très intéressant et les intervenants ont analysé les tendances de croissance dans la région UEMOA et ont souligné l’importance de l’intégration régionale pour stimuler le développement économique. Les discussions ont porté sur l’impact potentiel de la ZLECAf sur le commerce régional et la croissance économique, en particulier dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie. L’accent a été mis sur des secteurs tels que l’industrie manufacturière, les industries extractives, l’énergie, l’agriculture et le logement comme moteurs potentiels de croissance.

La paneliste aux BRVM Investment days, Khady Evelyne Denise Ndiaye : « la présence de toutes les institutions de la sous-région notamment celles du marché financier telles que l’AMF-UEMOA, UMOA-Titres, BOAD Titrisation ou encore la Commission de l’UEMOA a permis de présenter notre espace comme un espace crédible, organisé et structuré ».

 

Je pense en définitive que ce panel inaugural a permis de poser les bases des discussions des deux jours des Investment Days de la BRVM en dressant un portrait économique favorable à l’investissement dans la région UEMOA.

C.F : La 2e journée des BRVM Investment Days 2025 a été marquée par deux tables rondes sur la finance durable et la finance islamique. Quelles opportunités ces instruments financiers offrent-ils au marché financier régional, aux secteurs public et privé de la zone UEMOA ?

K.E.D.N : J’ai particulièrement pris plaisir à participer à ces deux sessions qui ont mis en lumière les opportunités offertes par la finance durable et la finance islamique pour le marché financier régional ainsi que pour les secteurs public et privé de la zone UEMOA. A travers les riches interventions, il ressort que la finance durable, à travers les obligations vertes, sociales et durables (GSS), représente une opportunité majeure pour financer des projets à impact environnemental et social positif mais également que la finance islamique, notamment à travers les Sukuk offre une alternative de financement éthique et inclusive.

Ces sessions nous ont rappelé que ces types de financement offrent des opportunités significatives pour mobiliser des ressources financières en faveur du développement économique et social de la zone UEMOA, tout en répondant aux aspirations des investisseurs soucieux d'impact et de conformité éthique. Par ailleurs, elles nous ont permis de réseauter avec les investisseurs intéressés par la zone UEMOA. Ces derniers nous ont invités à présenter des projets dans ce sens et nous ont rassurés de leur intérêt pour la sous-région.

C.F : Comment avez-vous apprécié cette initiative des premiers responsables de la BRVM d’aller vendre les opportunités d’investissements dans l’UEMOA aux investisseurs internationaux ? Quel est l’intérêt d’une telle rencontre pour le secteur privé de l’espace communautaire ?

K.E.D.N : Cette initiative est vraiment à saluer et c’est le lieu de féliciter Dr Félix Edoh Amenounvé, Directeur Général de la BRVM pour toutes les actions entreprises dans le sens de valoriser notre sous-région et attirer les potentiels investisseurs. « Les BRVM Investment days » est une initiative noble à faire perpétuer et le modèle qui consiste à réaliser cette activité auprès des bourses d’envergure mondiale est innovante, percutante et lui donne de la crédibilité.

La représente de la Commission de l’UEMOA, Khady Evelyne Denise Ndiaye : « Cette démarche ouvre de réelles perspectives concrètes pour notre secteur privé qui se voit accéder à des solutions de financement alternatives, qui peut en profiter pour réseauter et concrétiser des partenariats stratégiques ou entamer des démarches de levée de fonds sur le marché international auprès d’investisseurs séduits par la sous-région et son dynamisme »

 

Aller à la rencontre des investisseurs internationaux, sur leur propre terrain, témoigne d’une posture dynamique et résolument tournée vers l’attractivité régionale. Cela permet non seulement de présenter le potentiel de croissance de l’UEMOA, mais aussi d'expliquer les mécanismes de régulation, et de rassurer sur la stabilité macroéconomique et monétaire. Cette démarche ouvre de réelles perspectives concrètes pour notre secteur privé qui accède ainsi à des solutions de financement alternatives, et qui peut en profiter pour réseauter et concrétiser des partenariats stratégiques ou entamer des démarches de levée de fonds sur le marché international auprès d’investisseurs séduits par la sous-région et son dynamisme.

La présence de toutes les institutions de la sous-région notamment celles du marché financier telles que l’AMF-UEMOA, UMOA-Titres, BOAD Titrisation ou encore la Commission de l’UEMOA, a permis de présenter notre espace comme un espace crédible, organisé et structuré.

C.F : D’une manière globale, quel bilan faites-vous de ces BRVM Investment Days 2025 à Londres ? Y a-t-il des points de satisfaction ? Des points d’amélioration ?

K.E.D.N : Le terme qui me vient à l’esprit tout de suite est IMPACT. Cette initiative pour ma part est une réussite qui aura un impact clair sur l’attrait des investisseurs vers notre espace communautaire. Bien qu’un focus soit fait sur un pays, et pour cette édition ce fut le Bénin, tous les pays ont été valorisés et cela dénote de l’ambition réelle de nos pays à accroître leur visibilité auprès des investisseurs internationaux.

L’ancienne chargée de mission veille et intelligence économique de l’Agence régionale du Limousin pour le développement économique, Khady Evelyne Denise Ndiaye : « c’est le lieu de féliciter le Dr Félix Edoh Amenounvé, DG de la BRVM, pour toutes les actions entreprises dans le sens de valoriser notre sous-région et attirer les potentiels investisseurs ».

 

En termes de satisfaction, je peux dire que les panels ont été riches et intéressants avec des interventions de qualité et des thématiques pertinentes en phase avec l’actualité. Par ailleurs, comme je l’ai dit le choix du lieu était judicieux. La Bourse de Londres est un haut lieu de la finance mondiale et cela a renforcé la crédibilité de la BRVM et de toutes nos institutions communautaires.

Enfin, le réseautage était vraiment au rendez-vous et nous avons pu avoir des pistes de partenariat pour le financement de nos projets structurants intégrateurs et notamment à travers des fonds à impact et diversifiés. En termes d’amélioration, je dirais que l’on peut toujours parfaire et donc je militerais en ma qualité de Directrice du Secteur Privé pour une meilleure implication du secteur privé communautaire dans ce type d’évènement, que ce soit au niveau des panels comme au niveau de l’organisation des sessions de B to B.

Interview réalisée par la Rédaction

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