Mesure du PIB : l’Afrique veut la valorisation de son capital naturel
Dans un communiqué adopté le mercredi 13 novembre, à Bakou, en Azerbaïdjan, en marge de la 29e Conférence des parties (COP29) sur le climat, des chefs d’État et de gouvernements africains ont demandé que le vaste capital naturel du continent soit pris en compte dans la mesure du produit intérieur brut (PIB) des pays du continent.
Le système de mesure du Produit intérieur brut (PIB) des institutions de Breton Woods (Banque mondiale, FMI) ne prend pas en compte toutes les ressources des pays en développement. L’Afrique ne veut plus s’accommoder avec ce système d’évaluation pénalisant de sa croissance économique. Cette position, les chefs d’État et de gouvernement africains l’on exprimé à travers un communiqué le mercredi 13 novembre 2024, à Bakou, en Azerbaïdjan, en marge de la 29e Conférence des parties (COP29) sur le climat.
Cette réunion de haut niveau, intitulée : « Mesurer la richesse verte de l’Afrique », convoquée conjointement par les présidents de la République du Congo, Denis Sassou-N’Guesso, du Kenya, William Ruto, représenté par son premier secrétaire du Cabinet, Musalia Mudavadi, et le chef du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, a connu la participation des présidents rwandais, Paul Kagamé, zimbabwéen, Emerson Mnangagwa, togolais, Faure Essozimna Gnassingbé, et d’autres personnalités du continent.
Au cours de la rencontre, ils ont souligné la « contribution unique que les forêts africaines apportent au monde, notamment en matière de séquestration du carbone, de contrôle de la pollution, de rétention de l’eau et de fertilité des sols ».
Pour le président Sassou-N’Guesso, le continent africain devait tirer le meilleur parti de son capital naturel, qui est négligé ou ignoré dans les comptes nationaux, alors qu’il devrait être intégré dans la richesse de l’Afrique.
« Nous faisons un travail utile pour l’Afrique et le reste du monde, en contribuant à l’accélération de la reconnaissance du dividende environnemental », a-t-il martelé.
« Nous ne demandons pas la charité… »
Et au Kenya de renchérir qu’au cœur de cette rencontre réside la nécessité de « veiller à ce que les services écosystémiques de l’Afrique, tels que la séquestration du carbone et le contrôle de la pollution, soient valorisés en tant que biens publics mondiaux ». Car, en en évaluant de manière appropriée la richesse verte de l’Afrique, les pays peuvent débloquer des flux financiers pour des investissements qui boosteront leurs économies et permettront même d’améliorer leurs notations de crédit.
Le président rwandais, tout en déplorant que l’Afrique, acteur clé dans la lutte contre les changements climatiques, soit paradoxalement confronté à l’accès au financement climatique, a marqué son plein soutien à ce programme audacieux visant à mesurer le capital naturel du continent. « Nous ne demandons pas la charité, mais que le monde paie pour quelque chose qui a une valeur énorme pour nous tous », a-t-il soutenu.
Dans la même veine, le président de la BAD, M. Adesina, a indiqué que le continent contribue de manière significative au bien public mondial pour lutter contre les changements climatiques avec ses vastes ressources en capital naturel, son vaste capital naturel sous-évalué. Résultat déplorable, on se retrouve avec une Afrique « écologiquement riche, mais financièrement pauvre ».
« Alors que le PIB de l’Afrique était estimé à 2 500 milliards de dollars en 2018, ce chiffre était 2,5 fois inférieur à la valeur estimée de son capital naturel, évaluée à 6 200 milliards de dollars, incluant en partie une certaine évaluation des services écosystémiques », a-t-il fait savoir.
Tout en ajoutant que le PIB nominal de l’Afrique en 2022 aurait pu être augmenté de 66,1 milliards de dollars si l’on avait ajusté les chiffres en ne tenant compte que de la séquestration du carbone ; ce qui est plus que le PIB combiné de 42 pays africains.
Forger une alliance mondiale
Le chef du Groupe de la BAD, n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude face à ce qu’il a qualifié d’« accaparement du carbone », se traduisant par le fait que plusieurs pays africains cèdent les crédits carbone de leurs vastes étendues de terres, tout en ne recevant que très peu en retour.
« Alors que le prix du carbone en Europe est élevé et pourrait atteindre 200 dollars la tonne en raison des normes strictes d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (UE), le prix du carbone en Afrique pourrait être aussi bas que 3 à 10 dollars la tonne », a souligné M. Adesina.
Pire, cette sous-facturation du carbone sur le continent conduit à une perte de la souveraineté des pays africains sur leurs terres.
Dans le but de faire couronner de succès le combat qu’ils ont engagé, les participants à cette rencontre de haut niveau ont indiqué qu’ils travailleraient avec d’autres pays en développement et régions du monde, notamment l’Amérique latine et les Caraïbes, ainsi que l’Asie, pour forger une alliance mondiale solide afin de s’assurer que le capital naturel soit pris en compte dans le PIB des États. En attendant, un rapport complet sur les conclusions de cette rencontre va être présenté à la réunion au sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA) de 2025, pour examen et adoption.
Au cours de la rencontre, le Groupe de la BAD a été félicité pour son leadership et son engagement à trouver des mécanismes innovants pour mobiliser les soutiens financier et technique nécessaires à la comptabilisation du capital naturel et à la mesure du produit intérieur brut (PIB) vert des pays africains.
Ra-Yangnéwindé
Source : Groupe BAD