Avenir du Franc CFA : « Nous assumerons notre responsabilité », dixit Ousmane Sonko, Premier ministre du Sénégal

Dans une interview accordée à la Télévision nationale du Burkina et diffusée le lundi 19 mai 2025, le Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, s’est prononcé sur l’avenir du Franc CFA, la monnaie commune aux huit pays membres de l’UEMOA. Il a réaffirmé la position de son pays de voir cette monnaie évoluer vers son appropriation totale définitive par l’Union. A défaut, le Sénégal prendra ses responsabilités.
« Notre position par rapport sur le F CFA a toujours été très constante », a indiqué le Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, dans une interview accordée à la Télévision nationale du Burkina et diffusée le lundi 19 mai 2025. Et pour lui, cette position, c’est d’aller vers une réelle indépendance monétaire pour faire du F CFA, un véritable instrument de développement dans l’intérêt des Etats et des populations de l’Union.
Si le Sénégal salue la mise en place d’un marché commun, d’une monnaie commune au sein de l’UEMOA, et, mieux, souhaite même qu’il y ait un espace communautaire le plus intégré possible au sein cette Union voire au-delà, sa position est qu’il faut donner un nouveau statut et une nouvelle orientation au Franc CFA, la monnaie commune aux pays de l’UEMOA. Et il est temps que les Chefs d’Etat engagent les discussions et tranchent définitivement sur le sort de cette monnaie. A défaut, il n’est pas exclu que le Sénégal quitte cette monnaie pour créer la sienne propre, a-t-il laissé entendre, à demi-mot. « Nous sommes dans un espace qui présente ses avantages mais qui a aussi ses inconvénients. Nous avons dit qu’il faut poser le débat avec nos partenaires pour leur dire que nous devons évoluer. Si une solution est trouvée dans ce cadre, il n’y a pas de raison que nous quittons cette monnaie. Si ce n’est pas le cas, nous assumerons notre responsabilité. Et nous sommes toujours dans cette logique », a été on ne plus on ne peut clair, le Premier ministre Sonko.
Au cours de cet entretien, il a par ailleurs révélé que la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a fait un travail technique salutaire qui va dans l’orientation voulue par le Sénégal voire d’autres pays. Et la balle semble être maintenant dans le camp des dirigeants politiques de l’UEMOA.
« Les techniciens ont fait leur travail »
« Lorsque nous sommes arrivés, la BCEAO qui est l’institution commune, nous a présenté les travaux qu’elle a faits et qui vont dans le sens que nous développé. Il s’agit maintenant pour les présidents de se retrouver pour valider un certain nombre d’options. Cela relève de la dimension politique, car les techniciens ont fait leur travail », a confié le Chef du Gouvernement sénégalais. Et il espère que les Chefs d’Etats de l’UEMOA vont se réunir pour statuer et permettre ainsi à l’Union de « faire un pas significatif vers une appropriation totale et définitive de cette monnaie afin de nous permettre d’avoir un instrument monétaire et une politique monétaire, ce qui n’est pas le cas actuellement. Et ce qui fait que nous sommes obligés de nous reconcentrer sur des politiques budgétaires, avec les tensions que nous vivons ».
Cette position de faire évoluer le Franc CFA est fondée sur les nombreux griefs fait à cette monnaie. D’abord, du point de vue symbolique, il y a le fait que cette monnaie continue de symboliser une présence coloniale, même si aujourd’hui la signification du CFA n’est plus celle des années 60, a déploré M. Sonko. « Nous avons considéré que cette monnaie dépouillée de ses attributs coloniaux deviendrait une monnaie des Africains, produite par les Africains et pour les Africains », a-t-il martelé. A ce grief symbolique, s’ajoute les griefs économiques. « La monnaie est un instrument de politique publique. Le débat qui se pose aujourd’hui est de savoir est-ce que cette monnaie telle qu’elle se présente aujourd’hui, est adaptée à nos options de développement. De la réponse à cette question dépendra l’option que l’on veut prendre », a fait remarquer Ousmane Sonko. Pour lui, le statut actuel du F CFA ne lui permet pas de jouer pleinement ce rôle.
Un frein à la compétitivité économique
Pour preuve, son arrimage à une autre monnaie pose problème. « Le Franc CFA arrimé à l’Euro et à la Zone Euro semble être une monnaie trop forte pour nos économies, qui nous restreint à être des pays importateurs, consommateurs de ce qui est produit ailleurs, mais qui nous ne rend pas compétitif quand nous voulons inverser la tendance. Or, la logique dans nos pays est d’aller vers une politique de substitution des importations », a-t-il argumenté, sans perdre de vue le grief de la flexibilité monétaire. Pour cet homme politique averti, ancien fiscaliste, c’est la réponse à ces considérations techniques qui déterminera la décision politique d’aller dans tel ou tel sens.
A ceux qui soutiennent que les nouvelles autorités sénégalaises ont changé de discours par rapport au F CFA depuis qu’elles sont au pouvoir, le Premier Sonko a rappelé que leur position n’a pas varié d’un iota. « Il y a beaucoup d’amalgames qui se font : "c’est eux qui avaient dit qu’ils sortiraient du F CFA". Mais un Etat se gère de manière responsable. Avant tout, nous sommes des panafricains. Et tout ce qu’il faut faire pour rester dans la cohésion, nous le ferons. Mais si on se rend compte que les choses ne vont pas dans le bon sens et que cela n’est pas bon pour nous, le panafricanisme a aussi ses limites ; il ne peut se faire au détriment des intérêts des Etats. A partir de ce moment, nous assumerons toutes nos responsabilités par rapport à cette monnaie », a-t-il martelé.
Synthèse de la Rédaction