Nouveau seuil de capitalisation des banques de l’UMOA : les lignes bougent
Azaviel Noha Somda est un juriste spécialisé en droit des affaires et fiscalité de formation. Il a une expérience en Banque et Système Financier Décentralisé (SFD), domaine dans lequel il exerce, plus précisément dans la conformité. C'est donc en tant qu'observateur averti de la réglementation et du système bancaire qu'il porte son regard sur le processus de relèvement du capital social des banques dans la sous région ouest africaine suivant la décision de la banque centrale de fixer ce seuil à 20 milliards FCFA.
En janvier 2024, la BCEAO a pris une décision significative à travers l’avis n°001-01-2024 dont l’objectif est de doubler le capital social minimum des banques passant ainsi de 10 à 20 milliards. Depuis lors, les institutions financières concernées hâtent le pas pour se conformer à cette exigence et renforcer leur résilience économique.
Cap sur la deadline 2027
Un délai de 3 ans a été donné aux institutions pour se conformer au nouveau seuil et toute banque dont le capital social minimum n’est pas conforme au seuil de 20 milliards à la date du 1er janvier avait l’obligation de transmettre un plan de mise en conformité au Ministre chargé des finances de son pays d’implantation, à la Commission Bancaire de l’UMOA et à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest au plus tard le 1er juillet 2024. A ce stade, l’ensemble des banques devraient avoir soumis leur plan de mise en conformité aux régulateurs.
Depuis lors, les lignes ont effectivement bougé... les réserves aussi !
Certaines banques ont opté pour des augmentations de capital par incorporation de réserves, tandis que d’autres pourraient procéder à l’émission de nouvelles actions.
Focus sur l’augmentation de capital par incorporation des réserves
Elle consiste à prélever les sommes mises en réserve sur la base des bénéfices engrangés lors des exercices précédents pour les injecter dans le capital social. L’incorporation des réserves est donc une augmentation de capital sans apports, augmentant ainsi le nombre ou la valeur nominale des titres sans modifier la valeur intrinsèque de la société. Elle vise à renforcer la solidité financière de l’institution, à financer sa croissance et surtout à se conformer à la réglementation pour notre cas.
Selon l’article 626-1 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSC-GIE), la nature des actions pouvant faire l’objet d’attributions gratuites, sont les actions existantes ou les actions à souscrire dans le cas d’une augmentation de capital.
Par ailleurs, l’incorporation des réserves ne doit pas se faire au détriment des réserves légales. Aux termes de l’art 640-1 AUDSC-GIE « La libération des actions souscrites ou le paiement des actions acquises en vue d'une attribution gratuite est réalisée par un prélèvement obligatoire, à concurrence du montant des actions à attribuer, sur la part des bénéfices d'un ou de plusieurs exercices ainsi que des réserves, à l'exception de la réserve légale.
Le Groupe BOA s’est illustré à travers une campagne d’augmentation du capital de ses filiales Ouest Africaines dont la majorité sont cotées à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières. Ils ont adopté la stratégie de l’augmentation de capital par incorporation de réserves avec cession à titre gratuit d’actions.
Ci-dessous quelques exemples concrets :
- BOA Burkina qui avait déjà un capital social supérieur au seuil est passé de 22 milliards à 44 milliards de FCFA par incorporation de réserves et de primes avec émission d’actions gratuites.
- BOA Mali a procédé à l’émission de 9.150.000 actions nouvelles par incorporation de réserves. Ces actions sont attribuées gratuitement aux actionnaires à raison d’une (1) action nouvelle pour deux (2) anciennes. Son capital passe donc à 27.450.000.000 FCFA suite à une assemblée générale extraordinaire tenue le 13 août 2024.
- Quant à BOA Sénégal, l'augmentation de capital se fera par l'émission de douze millions (12 000 000) d’actions nouvelles, avec une distribution d'une action gratuite pour chaque deux actions détenues.
- En Côte d’Ivoire, la filiale émettra également des actions gratuites, mais dans un contexte où le capital social est déjà conforme aux exigences avec 20 milliards FCFA.
L’enjeu principal avec les augmentations de capitaux par incorporation de réserves est de disposer d’assez de ressources pour ne pas que leur utilisation ait un impact sur le respect des ratios prudentiels.
690 milliards FCFA à lever par les banques de l’UMOA
L’annuaire des banques et établissements financiers 2022 fait ressortir qu’au total 84 banques réparties dans les huit pays de la zone monétaire, sont concernées par cette mesure. Celles-ci devront lever 690,57 milliards FCFA de fonds propres supplémentaires, afin de se mettre en conformité avec le nouveau plancher règlementaire du capital social.
Au Burkina, 12 banques devront mobiliser plus de 96 milliards FCFA
La conformité à cette nouvelle exigence du régulateur est un point d’honneur sur lequel les banques vont s’atteler durant les mois à venir. La dynamique impulsée par les banques citées plus haut devrait continuer. Nous pourrions assister à des stratégies peu courantes d’augmentation de capital en plus de la technique de l’incorporation de réserves. Nous pouvons nous attendre à une série d’augmentations de capitaux dans l’écosystème bancaire avec des cas intéressants à analyser.
Azaviel Noha SOMDA
Juriste - Spécialiste en conformité - Banque - SFD