Actuellement assistant technique au Cabinet du Ministre de l'Economie, du Plan et du Développement (MEPD) de la Côte d’Ivoire, Mohamed El Aichouni est un ancien cadre de la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA). Il a eu à travailler, de 2015 à 2017, sous l’autorité directe du nouveau président de la Banque africaine de développement (BAD), Dr. Sidi Ould Tah. Dans cette interview accordée à C’Finance, votre média en ligne spécialisé dans le traitement de l’information financière, cet ancien chef de la division de l'assistance technique de la BADEA, et ancien collaborateur direct de Dr. Tah revient sur les compétences, les qualités humaines et managériales de l’homme, les facteurs déterminants de son élection et sa grande capacité à relever les défis en matière de mobilisation conséquente de ressources pour répondre aux priorités de développement du continent africain.
C’Finance (C.F) : Dans quel cadre avez-vous connu le nouveau président de la Banque africaine de développement (BAD), Dr Sidi Ould Tah ?
Mohamed El Aichouni (M.EA) : Je suis actuellement assistant technique au Cabinet de S.E. Madame Nialé Kaba, Ministre de l'Economie, du Plan et du Développement (MEPD) et cela depuis près de 4 ans. Jai connu le nouveau Président de la BAD, Dr. Sidi Ould Tah en 2015 quand il a été élu à la tête de la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA) en tant que Directeur Général, alors que j'occupais le poste de chef de la division de l'assistance technique, poste que jai conservé jusqu'à ma retraite en 2017. Mais je n'ai pas pour autant quitté la BADEA, puisque j'ai continué mes activités en tant qu'expert rattaché au Cabinet du MEPD en charge, entre autres, du suivi et de coordination des projets et programmes financés par les partenaires techniques et financiers arabes en Côte d'Ivoire.
C.F : Lancien président de la BADEA, Dr Sidi Ould Tah, vient d'être élu nouveau président de la BAD, ce 29 mai 2025, face à quatre candidats, pas des moindres. Son élection vous a-t-il surpris ?
M.E.A : Tous ceux qui connaissent de près Dr. Sidi Ould Tah, et moi en particulier, étaient quasiment certains de son élection à la tête de la BAD. Son expérience, son ardeur au travail, son savoir-faire, sa discrétion, sa modestie et enfin son humanisme exceptionnel ont fait de lui l'homme de la situation, l'homme capable de transformer l'Afrique.
C.F : Quest-ce qui a pesé en faveur de Dr Sidi Ould Tah, face à des concurrents de haut vol ?
M.E.A : Abstraction faite de ses qualités professionnelles et humaines, ce qui a pesé en faveur du Dr. Sidi, c'est surtout sa vision de l'Afrique. En effet, il a une vision claire et ambitieuse qui prône une rupture maîtrisée, et non une rupture hasardeuse. Il propose de repenser l'architecture financière africaine, d'harmoniser les efforts pour maximiser l'impact de chaque dollar investi, et de construire une stratégie fondée sur les forces internes du continent.
CF : Bénéficier du soutien du pays de l'Etat qui abrite le siège de la BAD, à savoir la Côte dIvoire, semble avoir été aussi un élément déterminant pour Dr Tah…
M.E.A : Effectivement, l'appui de l'Etat de Côte dIvoire a été, je dirai, important dans l'élection du Dr. Sidi, d'abord du fait que les assemblées annuelles ont lieu à Abidjan, siège de la BAD, et puis de l'intérêt qu'il accordait, en tant que Président de la BADEA, au développement de l'Afrique subsaharienne et de lAfrique de l'Ouest en particulier.
C.F : Le bilan de ses 10 ans passés à la BADEA est très bien apprécié par plus d'un. Quels sont les principaux résultats qu'il a réalisés durant son mandat à la tête de la BADEA ?
M.E.A : Mr Tah possède une solide expérience en finance africaine et internationale. Il a présidé la BADEA pendant dix ans à partir de 2015, où il a mené une transformation complète qui a quadruplé le bilan de la banque, lui a valu une notation AAA et la positionnée parmi les banques de développement les mieux notées en Afrique. Il laisse l'institution dans un état remarquable, avec une performance rare dans le secteur du financement du développement.
Voici les principales réalisations de son mandat à la tête de la BADEA :
-Expansion significative des opérations : multiplication par 12 des engagements annuels, et par 8 des décaissements ;
-Renforcement de la solidité financière : amélioration de la notation de crédit ;
-Alignement stratégique et innovation : lancement de la stratégie BADEA 2030, de la Vision BADEA 2074 et introduction de mécanismes financiers innovants ;
-Impact sur le développement : Investissements dans les énergies renouvelables, soutien aux PME et création d'emplois.
Ces réalisations témoignent de la capacité du Dr. Sidi Ould Tah à transformer une institution financière en un moteur de développement efficace et innovant pour l'Afrique.
C.F : Dr Sidi Ould Tah est présenté comme un grand manager, un grand meneur d'hommes Vous qui aviez été son collaborateur à la BADEA, quelles sont les qualités humaines, managériales de lhomme ? Saura-t-il mobiliser le personnel et les partenaires de la BAD pour l'atteinte de ses objectifs à la tête de l'institution ?
M.E.A : Le connaissant pour avoir travaillé sous sa directe autorité et de par son expérience à la tête de la BADEA, Dr. Sidi possède des qualités indéniables, telles que : une vision stratégique et un engagement sans faille pour le développement de l'Afrique, un leadership éthique et une intégrité confirmée, une capacité de fédérer et de mobiliser les parties prenantes, une résilience et un calme face aux crises, une adaptabilité et une ouverture culturelle, une humilité et un sens du service et enfin un charisme discret et une autorité naturelle. Possédant ces qualités, Dr. Tah saura mobiliser tant le personnel que les partenaires de la BAD pour réaliser le développement du continent, naviguer dans un environnement complexe et transformer les défis structurels en opportunités concrètes pour le continent africain.
C.F : Autrement dit, l'homme sera à hauteur des gros défis de la BAD, notamment en matière de mobilisation des ressources conséquentes pour la souveraineté financière et de réformes institutionnelles nécessaires pour l'amélioration de la gouvernance de l’institution, surtout dans ce contexte de tensions géopolitiques régionales et internationales…
M.E.A : Comme je lai mentionné plus haut, avec son expérience de plus de 35 ans dans les domaines liés au développement et les qualités dhomme d'action, Dr. Tah saura faire face aux défis de notre continent qu'il connait, à savoir : une réduction de 555 millions de dollars du financement américain au Fonds Africain de Développement (FAD), affectant les pays les plus pauvres du continent, un besoin urgent de mobiliser 25 milliards de dollars pour le cycle actuel de financement, alors que l'Afrique fait face à un déficit annuel de plus de 400 milliards de dollars pour sa transformation structurelle, et enfin des défis liés à la dette, aux chocs climatiques, à l'inflation et à des espaces budgétaires limités dans de nombreux pays africains. Pour relever ces défis, Sidi Ould Tah envisage de renforcer les partenariats, en particulier avec les pays du Golfe, tels que l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, afin de diversifier les sources de financement et de soutenir le développement des infrastructures sur le continent.
C.F : Les urgences développement de lAfrique sont nombreux et multidimensionnels : accès à l'énergie, à leau, à l'éduction, à la santé, infrastructures routières, de télécommunications, le développement des PME, l'autonomisation des femmes, l'emploi des jeunes, l'accès à l'internet Bref, et l'accès au financement pour adresser de manière efficace ses colossaux besoins reste le noeud gordien des pays africains. Selon vous, face à de tels défis difficiles à hiérarchiser, quels seront les priorités du nouveau président de la BAD, pour les cinq prochaines années ?
M.E.A : Les priorités de développement en Afrique reflètent à la fois les défis structurels du continent et les aspirations de transformation économique, sociale et écologique. Elles sont définies à travers des cadres stratégiques comme l'Agenda 2063 de l'Union Africaine, les Objectifs de Développement Durable (ODD), et les stratégies des institutions continentales telles que la Banque Africaine de Développement (BAD). L'élection de Sidi Ould Tah est perçue comme une opportunité pour la BAD de renforcer son rôle en tant que catalyseur du développement en Afrique. Son expérience et sa vision stratégique sont attendues pour guider l'institution à travers une période de transition économique, en mettant l'accent sur l'innovation financière, la résilience et l'autonomie des économies africaines. Ainsi, le nouveau Président de la BAD ambitionne de réaliser : la transformation économique et l'industrialisation de l'Afrique, la mise en place des infrastructures durables, la sécurité alimentaire et agricole du continent, le développement du capital humain et l'inclusion sociale, la protection sociale à travers la réduction de la pauvreté, les filets sociaux, et légalité des genres, la promotion de la gouvernance, la lutte contre les changements climatiques et la durabilité et enfin l'intégration régionale.
Interview réalisée par la Rédaction de C’Finance
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