Dans le cadre du 13e Africa Postal Forum qui se tient à Ouagadougou du 3 au 5 décembre 2024, un panel a été consacré ce 4 décembre aux différentes alternatives qui se présentent aux postes africaines. Entre création de banque postale et développement de services financiers, les pistes restent ouvertes. Les panelistes, constitués de responsables de banques postales et d’experts ont partagé leurs expériences et points de vue sur la question.
Quels modèles de développement adopter pour les postes africaines, afin de les positionner comme des acteurs financiers de premier plan ? La question a été débattue ce mercredi 4 décembre 2024, au cours d’un panel entrant dans le cadre du 13e Africa Postal Forum que One Africa Forum organise à Ouagadougou, au Burkina Faso, du 3 au 5 décembre 2024. Le panel a réuni sur une même table les directeurs généraux (DG) des banques postales du Burkina Faso, Inoussa Boundaoné, et du Maroc, M’hamed El Moussaoui, ainsi que des experts du domaine de la finance, notamment la responsable du Cabinet Labidi, Samira Labidi, le PDG de la Société africaine d’ingénierie et d’intermédiation financières (SA2IF), Constantin Dabiré et le DG de Services Financiers (SERFIN SA), Madi Ouédraogo. Les débats ont été conduits autour du thème : « Banque postale et développement de services financiers : quelles stratégies faut-il adopter ? »
Sur la question, les expériences des banques postales du Burkina Faso et du Maroc, basées sur des approches différentes, ont servi de base pour présenter différentes alternatives possibles de transition de la poste traditionnelle vers la nouvelle poste-banque.
Au Burkina Faso, la poste est allée directement à la création d’une banque postale. Seulement, selon les développements de son DG, Inoussa Boundaoné, ce choix a été effectué sur la base d’une stratégie qui implique que l’institution bancaire créée s’appuie sur le vaste réseau de La Poste Burkina Faso.
Partenariats avec les Fintech
« La Poste Burkina Faso a le plus gros réseau du pays, avec 128 agences. Cela permet de toucher les populations dans les zones les plus reculées, là où les services bancaires ne sont pas assez présents », a-t-il précisé.
En sus de cette opportunité de proximité avec les populations, la Banque postale table sur le développement de produits financiers innovants pour répondre à des besoins spécifiques de la clientèle.
Au Maroc, c’est toute la poste qui s’est en quelque sorte bancarisée, dira le DG de Al Barid Bank, M’hamed El Moussaoui. La poste marocaine a pris le temps d’aller par étape, en s’assurant du soutien des pouvoirs publics qui doivent épouser le projet envisagé, et en s’appuyant sur une stratégie bien définie.
Pour réussir sa transition, la poste devrait aussi développer des partenariats avec des acteurs qui permettront d’améliorer les services financiers, à savoir ls Fintechs ou es entreprises de technologie par exemple, a suggéré Monsieur Moussaoui. Il a également recommandé de mettre en place un système de bonne gouvernance, condition sine qua non de réussite du projet de reconversion.
« Il faut bien penser le projet. 85% du chiffre d’affaires de la Poste est constitué de services financiers. Il faut donc une bonne synergie entre services bancaires et postaux pour que l’un ne vienne pas éclipser l’autre », a soutenu le patron de la banque postale marocaine.
Au-delà de la banque, la poste peut développer d’autres types de services financiers comme l’a démontré Samira Labidi du Cabinet Labidi. Elle a rappelé que la poste est universelle et s’adresse à tout le monde, une caractéristique favorable pour déployer différents produits financiers.
Créer des filiales spécialisées
En appui à son argumentaire, elle a fait appel à un exemple de mise en œuvre d’assurance maladie universelle au Sénégal. Dans ce projet, a-t-elle précisé, l’implication de la poste aura consisté à offrir la possibilité aux expatriés de souscrire à l’assurance maladie au profit de leurs proches au pays. Ce qui illustre, selon elle, l’opportunité qu’offre le réseau postal de toucher une large partie de la population.
Une autre illustration d’universalité de la poste a été présentée par le DG de SERFIN SA, Madi Ouédraogo. Partant de sa propre expérience, il a indiqué qu’il s’est appuyé sur le vaste réseau postal pour déployer les services Western Union en Afrique de l’Ouest. Et depuis 1993, cela fait 30 ans que ce partenariat dure, preuve, selon lui, de la solidité de ce réseau.
« Aujourd’hui, l’entreprise SERFIN dispose de pratiquement 1600 points de contact entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, ce qui fait autant de sites où des services financiers sont offerts aux populations. Je pense que cela a été une expérience plus ou moins réussie », a-t-il souligné.
Mr Ouédraogo a néanmoins insisté sur la nécessité pour la poste de s’adapter à l’évolution et surtout de se former à l’activité bancaire qui est une profession à part entière, a-t-il préconisé.
En plus de la diversification et de l’adaptation, l’expert financier Constantin Dabiré, panéliste intervenant en ligne au débat, a suggéré que la poste et la banque postale travaillent en synergie et s’organisent de sorte à développer une complémentarité exploitant leurs forces et faiblesses mutuelles.
« Sinon on risque de se retrouver dans une situation assez difficile qui pourrait même engendrer un conflit ».
Pour le PDG de la SA2IF, la banque postale doit s’appuyer sur le réseau de la poste qui existe déjà tout en développant aussi de nouvelles stratégies pour pouvoir pérenniser son activité dans le temps. Il a évoqué dans ce sens, la possibilité pour la banque postale de créer des filiales, faire des investissements institutionnels ou nouer des partenariats pour développer certains services.
« Une banque qui veut assurer sa croissance, sa pérennité, est obligée à un moment donné, de se diversifier et de diversifier certaines de ses activités », a souligné Mr Dabiré.
Il attribue à la banque postale, une mission d’utilité publique, pour accompagner les initiatives publiques dans une logique de partenariat public-privé et gagnant-gagnant, tout en assurant sa rentabilité. Mais au-delà de ce rôle de bras financier pour soutenir l’innovation de la poste et les initiatives de l’Etat, Constantin Dabiré soutient que la banque postale doit s’inventer à travers des produits innovants et à forte valeur ajoutée, des produits différenciés par rapport à la concurrence.
Mamadou OUATTARA
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