Dans le cadre de la célébration en différé du 8 mars, le Club Jeunes de la Banque et des Finances (JBF) du Burkina Faso a rendu un spécial hommage à la femme à travers une masterclass qu’il a organisée le samedi 22 mars 2025, à Ouagadougou sur le thème : « Le leadership féminin dans le secteur de la finance : carrière et équilibre de vie ». L’évènement a été placé sous le parrainage du Directeur général de la Banque Postale du Burkina Faso, Inoussa Boundaoné.
Conformément à sa mission de favoriser le développement professionnel de ses membres, le Club Jeunes de la Banque et des Finances (JBF) veut contribuer à une meilleure expression des compétences féminines dans le secteur financier. Dans cette dynamique, le JBF a organisé une master class sur le thème : « Le leadership féminin dans le secteur de la finance : carrière et équilibre de vie », le samedi 22 mars 2025, à Ouagadougou, sous le parrainage du Directeur général de la Banque Postale du Burkina Faso, Inoussa Boundaoné.
Cette session, qui se veut un spécial hommage du Club à la femme, entre dans le cadre de sa célébration en différé de la Journée Internationale des droits des femmes. Des panels sur divers sous-thèmes animés par des femmes qui ont du vécu et du parcours dans le domaine financier étaient au menu de cette rencontre, troisième du genre.
Le premier panel a porté sur le thème « Comment concilier vie professionnelle et vie de famille ? » et a été développé par la Directrice d’Exploitation Corporate Adjointe à la Compagnie Financière Africaine (COFINA), Jeanine Ouédraogo/Poda. Si le travail est le point de départ de l’insertion sociale, ce qui met en valeur l’être humain en société, réussir sa vie professionnelle n’est pas gagné d’office quand on est du genre féminin, a-t-elle relevé à l’entame de sa communication.

Pour Mme Ouédraogo, la vie familiale est aussi importante que la vie professionnelle, et inversement. Par conséquent, il faut trouver le bon équilibre entre les deux. Pour ce faire, la femme salariée doit se fixer des règles, et se faire un point d’honneur à les respecter avec rigueur. Et tout commence par la planification. Il faut organiser ses journées du lundi au dimanche, aussi bien au service qu’à la maison, de la cuisine aux études des enfants.
« Il faut se fixer des objectifs journaliers, optimiser ses heures de travail au bureau, et se fixer des heures de descente », a conseillé Jeanine Ouédraogo. Et quand les obligations professionnelles devraient amener la femme à rentrer tard et être au boulot le week-end, il faut prendre le soin de prévenir son époux à l’avance au lieu de le prendre au dépourvu, a-t-elle ajouté ; car, l’homme a besoin de se sentir valorisé et respecté.
Mais en définitive, il n’y a pas à dissocier vie professionnelle et vie de famille, les deux vies étant intrinsèquement liées, a conclu la Directrice d’Exploitation Corporate Adjointe à COFINA.
« Ne pas jouer à la super woman »
« Est-il possible de réussir sa carrière professionnelle sans sacrifier sa vie de famille ? ». Cette problématique était au cœur du deuxième panel, développé par la Directrice de la gestion des risques à Orabank, Fanny Sonia Sonny/Dondassé.

Du haut de ses 15 ans de carrière dans les métiers de la banque, elle a répondu par l’affirmative, mais pas par le truchement de la recherche d’un équilibre mathématique (50/50) entre les deux. Quand on choisit de fonder un foyer, on est amené à faire face à cette réalité qui est de partager 24 heures entre vie professionnelle et vie familiale.
Pour son cas personnel, elle a fait le choix de privilégier sa vie de famille. « Quel est ton bonheur si tu as une vie professionnelle réussie sans une vie familiale épanouie », s’est-elle interrogée. Pour Mme Sonny, pour un bon cheminement entre vie professionnelle et vie familiale, il y a quatre leviers à actionner.
D’abord celui de la communication, qui consiste à expliquer à son époux les réalités de ton job, ses avantages et contraintes, à partager avec lui ton vécu professionnel, pour bénéficier de sa compréhension et de son soutien.
Pour ce qui est de la gestion des enfants, il faut les éduquer à être autonomes vis-à-vis des parents dès le bas âge, tout en leur consacrant le peu de temps dont on dispose.

Selon la Directrice du capital humain de SONAR Assurances, Nadège Sessouma/Ouédraogo, les préjugés sont source de démotivation, de perte de confiance en soi, de baisse de productivité chez la femme, mais aussi de l’entreprise, qui ne tire pas suffisamment parti du potentiel de talent d’une bonne partie de son personnel constituée de femmes.
Le troisième levier est de prendre soin de soi-même, car c’est quand on est en bonne santé que l’on parle de vie professionnelle et familiale. « Je descends tard, mais le peu de temps que j’ai, je me fais plaisir ; je me repose », a-t-elle confié. Il faut savoir donc s’évader, pour évacuer le stress. « Il faut savoir gérer ces émotions. L’une de mes forces, est que je sais encaisser », a-t-elle ajouté.
Le dernier levier est relatif à la gestion du temps de travail qui consiste à savoir se fixer des priorités, des limites, en évitant de vouloir tout faire ou d’être experte à tout. « Rien ne sert de vouloir jouer à la super woman qui veut impressionner. Il faut plutôt savoir organiser ses journées de travail », a suggéré Fanny Sonia Sonny/Dondassé.
Organiser son travail, a-t-elle poursuivi, c’est aussi savoir communiquer avec ses collaborateurs, être à leur écoute, développer la polyvalence au sein de son équipe pour pallier les cas d’absences, savoir déléguer et accepter d’apprendre de ses collaborateurs.
La Directrice du capital humain de la compagnie SONAR Assurances, Nadège Sessouma/Ouédraogo, troisième paneliste, a entretenu l’assistance sur le sous-thème : « la gestion des préjugés dans la promotion des femmes dans le secteur de la finance ».

Les préoccupations des participants ont porté, entre autres, sur l’impact de la e-réputation, les astuces pour bénéficier de la compréhension et du soutien de son époux.
Les préjugés, sources de baisse de productivité
C’est par une citation de l’auteur franco-marocain, Tahar Ben Jelloun, que celle qui gère au quotidien les ressources humaines a campé le décor de sa communication. : « les préjugés vus de près ressemblent à des vérités ; vus de loin, ils apparaissent pour ce qu’ils sont : des illusions ».
Selon Mme Sessouma, les préjugés sont des construits socioculturels de nature trompeuse ; on en distingue plusieurs types : conscients et inconscients. Il y a ceux liés aux compétences, tendant à soutenir que les femmes sont incompétentes dans certains domaines comme les mathématiques, les finances…
On rencontre aussi des préjugés relatifs au leadership, à la vie familiale qui mettent en doute la capacité des femmes à diriger ou qui rependent l’idée selon laquelle la place c’est au foyer, voire à la cuisine. Pourtant, il y a des exemples qui montrent qu’il est bien possible d’assumer sa vie de femme et être dirigeante d’entreprise qui performe.
Prenant le cas de SONAR Assurances, qui n’avait que trois femmes à des postes de responsabilité il y 10 ans, aujourd’hui la société compte une dizaine de femmes qui occupent des postes de responsabilité, a-t-elle fait remarquer, preuve que les lignes bougent même si beaucoup reste encore à faire.

Ces constructions sociales et culturelles ont malheureusement des répercussions négatives sur la vie, l’entreprise et la société en général. Elles constituent un frein à la carrière des femmes, à leur promotion. Ces préjugés sont source de démotivation, de perte de confiance en soi, de baisse de productivité chez la femme, et partant de l’entreprise, qui ne tire pas suffisamment parti du potentiel de talents d’une bonne partie de son personnel constituée de femmes, a souligné Nadège Sessouma.
Ces construits socioculturels engendrent également des inégalités économiques et sociales en défaveur des femmes. Ils participent à bâtir des sociétés sans modèles, perpétuant ainsi les préjugés sur le leadership féminin, l’incapacité des femmes à diriger, et partant les inégalités de genre, a-t-elle déploré.
Mais comment venir à bout de ce fléau qui freine les carrières de nombre de femmes dans le secteur financier ?
En plus de la lutte collective, le combat est aussi individuel. Et les femmes doivent être aux avant-postes de ce combat, en refusant ces préjugés, en les déconstruisant, a préconisé la paneliste.

« Tout ce qui s’apprend peut se désapprendre », a martelé la directrice du capital humain de SONAR Assurances. La solution réside aussi dans la formation, les femmes devant s’y investir pour s’armer de compétences ; elles doivent apprendre à s’affirmer, à se mettre en valeur, à être au premier plan pour briser le plafond de verre ! En tout état de cause, Mme Sessouma ne perd pas de vue le gigantesque travail de sensibilisation à déployer, surtout à l’endroit des hommes.
Le soutien de son mari, un élément important
« Il faudrait parler aux hommes, afin qu’ils sachent que leur manière de penser impacte négativement les femmes », a-t-elle argumenté. Mais le mal étant profond, il faut l’éradiquer à la racine. C’est pourquoi, la spécialiste en ressources humaines propose de mettre en place des programmes éducatifs sur les inégalités de genre depuis l’école primaire.
Pour cette troisième master class consacrée au leadership féminin, le Club JBF a jugé utile de faire appel à une doyenne qui totalise plus de 30 ans de carrière en assurances pour un témoignage sur son riche parcours professionnel. Il s’agit de M’Po Marie Batienon qui a intégré UBA Assurances en 1991 comme secrétaire de direction et qui, à force de persévérance, a gravi quasiment tous les échelons pour se hisser aujourd’hui au poste de Directrice générale adjointe de UBA Assurance Vie.
Exercer des postes de responsabilité demande du pouvoir, de l’autorité, de l’audace ; des valeurs qui sont attribuées à l’homme dans notre contexte, la femme étant vue comme très tolérante, toujours à la recherche de l’empathie, a-t-elle fait savoir. Tout en se réjouissant de voir que de plus en plus, nombre de préjugés s’estompent.
Se basant sur sa propre expérience, faite de plus de trois décennies d’ascension professionnelle, Mme Batienon dira à ses jeunes sœurs du secteur financier que les secrets du succès résident d’abord dans la formation. Si la secrétaire de direction qu’elle était au début de sa carrière est aujourd’hui DGA, c’est parce qu’elle ne s’est pas contentée du peu et s’est investie dans l’acquisition du savoir.
De l’Institut International de l’Assurance de Yaoundé, en passant par Paris, elle est toujours partie à la recherche de nouvelles compétences. L’amour de son métier, le refus de la monotonie, le courage, la volonté d’aller toujours de l’avant constituent également les adjuvants du succès professionnel, a-t-elle souligné. Elle conseille également aux femmes d’avoir des valeurs morales, notamment en matière de transparence, d’intégrité, tout en ayant du recul par rapport à l’argent, en ne cédant pas à certaines offres ; en clair, il faut savoir être patient.

Pour la DGA de UBA Assurance Vie, trouver le bon équilibre, qui n’est pas figé ou mécanique, entre vie professionnelle et vie de famille, c’est s’investir pleinement dans les deux, savoir être présente lors des moments cruciaux de la vie familiale, tout comme de celle professionnelle.
Impliquer sa famille, et surtout bénéficier du soutien de son mari est un élément important. Il y a des moments difficiles, où on est appelé à descendre tardivement, à être absente de la famille, mais il faut faire avec ; c’est un passage obligé si l’on veut bâtir sa carrière, mais pas sur l’autel du sacrifice de sa famille, a-t-elle confié.
La place centrale de l’éthique
Quant au Directeur général de la Banque Postale du Burkina Faso et parrain de cette master class, Inoussa Boundaoné, il a entretenu ses filleuls sur la problématique de l’éthique en entreprise, surtout dans le domaine de la finance. Pour lui, l’éthique est l’ADN de la culture corporatiste. « Le risque réputationnel est extrêmement important que les entreprises ne jouent pas avec les questions d’éthique », a-t-il soutenu. Vous avez beau être compétent, a-t-il poursuivi, si vous avez des problèmes avec l’éthique, personne ne vous recrutera !
M. Boundaoné a aussi prodigué des conseils à ses filleuls, futurs leaders et managers d’entreprises. Pour prendre une décision en entreprise, il y a trois tests à réaliser : tests de réciprocité, de confiance et de transparence. Si la réponse à l’un de ces tests est non, c’est que la décision est mauvaise ; il ne faudrait donc pas la prendre, a-t-il laissé entendre. Il a aussi invité les jeunes à s’armer de savoir, de compétences.
« Etudier toujours, jusqu’à ce qu’il ne vous soit plus possible de le faire », a lancé celui qui a démissionné de son poste de directeur technique dans une banque de la place pour aller se former au Canada. Disposer de background solide, c’est avoir beaucoup de choix, par conséquent cela vous évite d’être à la merci des autres, a-t-il conclu.
Répondant aux questions des participants, les panelistes ont, à l’unisson, souligné l’importance de la communication au sein du couple pour faire du conjoint un allié dans la construction de la carrière. « Il faut communiquer, expliquer à son époux les défis et enjeux de son métier dès le départ, l’amener à les comprendre et à les accepter », a soutenu Mme Batienon.
Cela passe aussi par la case confiance, qu’il faut savoir bâtir. Mais au-delà des conjoints, les entreprises devraient aussi s’impliquer, mieux comprendre la situation particulière de la femme, a ajouté le parrain. Sur la question de l’impact de la e-réputation lors des recrutements, Mme Sessouma a conseillé aux femmes de faire attention à ce qu’elles publient sur les réseaux, car ces publications peuvent les rattraper, tôt ou tard !
Le Président du Conseil d’Administration du Club JBF et Directeur de la Clientèle des Particuliers et Professionnels à Société Générale Burkina Faso, Adama Ouédraogo, est pour sa part, revenu sur les motivations qui ont été à l’origine de la création de ce Club de professionnels de la banque et de la finance.

La présidente du comité d’organisation, Nouroudy Cissé/Kaboré : « Les institutions financières ont un rôle majeur à jouer en mettant en place des politiques de flexibilité, de mentorat et d’accompagnement des carrières féminines ».
« JBF est né d’un rêve de plusieurs jeunes de voir le leadership burkinabè dans le domaine de la finance aller au-delà de nos frontières, pour accompagner ce développement des firmes financières nationales qui ne cessent de briller à travers l’Afrique. Il s’agit aussi d’accompagner nos talents qui sont dans l’ombre », a-t-il souligné.
Appel à agir
M. Ouédraogo, a appelé tous les acteurs à s’unir pour faire briller ce leadership, car le Club JBF veut contribuer à bâtir une jeunesse impactante. Et l’organisation de cette master class qui met un point d’honneur sur le leadership des femmes participe à cette vision !
La présidente du comité d’organisation, Nouroudy Cissé/Kaboré, par ailleurs chef d’agence à COFINA, s’est réjouie de la tenue de cette troisième session du Club qui constitue une tribune d’apprentissages, de partage d’expériences pour lever le voile sur les obstacles qui freinent encore l’épanouissement professionnel des femmes et le leadership féminin dans le secteur financier burkinabè.
Si les chiffres et les expériences démontrent que les entreprises qui valorisent la diversité et l’inclusion sont plus innovantes, plus performantes et plus résilientes, dans un monde en perpétuelle évolution, les institutions financières ne peuvent plus se payer le luxe de se priver des talents féminins qui apportent une vision stratégique complémentaire et une approche équilibrée, a relevé Mme Cissé.
Malheureusement, sur le terrain, le constat est tout autre. Les femmes restent toujours sous-représentées aux postes de décision, car de nombreux freins, structurels ou culturels, entravent encore leur progression, a-t-elle déploré. « Il est donc essentiel, a-t-elle insisté, que nous poursuivions nos efforts pour permettre aux jeunes professionnelles ambitieuses d’accéder à des carrières à la hauteur de leurs compétences et de leurs aspirations ».
Et surtout que des modèles ne manquent pas dans le secteur financier Burkinabè qui a vu émerger de nombreuses figures féminines exemplaires, qui, par leur détermination, leur professionnalisme et leur leadership, ont su gravir les échelons et démontrer que la finance n'est pas uniquement une affaire ‘’masculine’’.

Avant le début de la master class, les membres présents du Conseil d’administration du Club JBF ont été présentés aux participants.
Si le leadership féminin ne doit pas être un choix entre réussite professionnelle et épanouissement personnel, mais plutôt une dynamique où les deux dimensions s’équilibrent intelligemment, pour qu’il s’exprime et s’affirme, sans occulter l’engagement individuel des femmes, ceux qui ont le pouvoir de décision ont leur part de responsabilité.
« Les institutions financières ont un rôle majeur à jouer en mettant en place des politiques de flexibilité, de mentorat et d’accompagnement des carrières féminines. Car, favoriser l’ascension des talents féminins ne profite pas seulement aux femmes : c’est toute l’industrie financière qui en ressort gagnante », a été on ne peut plus claire Nouroudy Cissé/Kaboré.
Le parrain Boundaoné a salué cette belle initiative du Club JBF de créer un cadre qui permet d’adresser des problématiques cruciales du secteur de la finance et de la banque et dont certaines restent jusque-là des sujets tabous. Tribune de réflexion, de partage d’expériences, de réseautage, pour lui, si ce cadre de rencontre entre professionnels du secteur avait existé de part le passé, il aurait permis à certains ainés de mieux bâtir leurs carrières, d’éviter certains écueils et de combler certaines insuffisances, soulignant ainsi tout son intérêt, toute son importance.
Ra-Yangnéwindé
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