Le Club des Jeunes de la Banque et des Finances du Burkina Faso (JBF) a organisé, ce samedi 26 avril 2025, un webinaire consacré au thème : « Management des risques et des engagements bancaires face aux défis de l’évolution réglementaire, de la crise sécuritaire et des avancées technologiques ». Sous la modération du Secrétaire général de l’association, Mamadou Barry, cet événement a réuni des experts, responsables bancaires et spécialistes de la finance, qui ont partagé leurs expériences et visions pour relever un défi de taille : concilier exigences réglementaires, environnement sécuritaire complexe et intégration des nouvelles technologies dans la gestion des risques.
Dans un contexte économique chamboulé par la crise sécuritaire, l’avancée technologique rapide et les réformes réglementaires successives, le Club des Jeunes de la Banque et des Finances du Burkina Faso (JBF) a choisi de consacrer sa quatrième masterclass sur le thème : « Management des risques et des engagements bancaires face aux défis de l'évolution réglementaire, de la crise sécuritaire et des avancées technologiques ». Tenue en format webinaire, le samedi 26 avril 2025, ce cadre de partage de connaissances et d’expériences a offert un espace de réflexion interactif aux professionnels du secteur bancaire, de la finance et des technologies digitales.
Introduisant la session, le Secrétaire général du club JBF, Mamadou Barry a rappelé l’importance de la gestion des risques, aussi bien dans le contexte de défi sécuritaire que par rapport aux évolutions numériques dans le milieu financier. Entre exposés théoriques et partage d’expériences pratiques, la masterclass a été rythmée par quatre panels animés par des figures reconnues du monde bancaire, financier et digital.
« Accompagner l’économie est notre devoir, mais… »
Le premier panel, axé sur la gestion efficiente des engagements bancaires en contexte de crise a permis une analyse approfondie des enjeux liés à la gestion des risques de crédit et des engagements bancaires dans un environnement marqué par la crise sécuritaire. Le paneliste, Théophane Daboué, directeur des risques et du recouvrement à la banque Société Générale, a exposé sur la nécessité d’adapter les modèles d’octroi de crédit aux réalités du terrain dans la mesure où la fragilité économique se combine à des défis sécuritaires inédits.

Il a structuré son exposé en trois volets, octroi de crédit, monitoring et recouvrement, tout en insistant sur la nécessité, dans un environnement dégradé, d’avoir une connaissance fine du client et une vigilance proactive, clés de la viabilité bancaire. « Accompagner l'économie est notre devoir, mais il faut le faire en respectant les stricts principes de prudence », a-t-il souligné.
Aussi, la mise en place d’outils de diagnostic permettant d’être renseigné sur les zones à fort défi sécuritaire et d’ajuster les conditions de financement en conséquence, constitue un impératif. Mr Daboué a également préconisé de mesurer les flux de trésorerie réels et de renforcer le suivi des indicateurs de risque pour anticiper les cas de défaut, notamment dans les secteurs les plus exposés au risque en question, comme le transport et l’agriculture en l’occurrence dans la situation burkinabè.
L’expert a aussi évoqué l’importance d’une couverture par des tiers, se référant aux assurances ou fonds de garantie, pour partager le risque dans des contextes de capitaux limités.
La règlementation, un levier pour innover
La deuxième intervention a mis en lumière l’impact déterminant des avancées technologiques, notamment l’intelligence artificielle (IA), dans la transformation des pratiques de gestion du risque bancaire. L’expert informaticien, spécialisé en IA et data-scientist à Orange, Alban Ouédraogo a d’abord rappelé que l’IA n’est pas un phénomène récent. C’est avec l’explosion du Big Data et des capacités de calcul qu’elle est devenue incontournable.

Dans le domaine bancaire, l'IA s'invite aujourd'hui dans la gestion de crédit via l’analyse historique des défauts, pour mieux détecter les fraudes et prévenir le blanchiment, anticiper les fluctuations de liquidité, et surveiller la réputation bancaire en temps réel sur les réseaux sociaux.
Mr Ouédraogo a souligné la nécessité de gérer les modèles d'IA avec rigueur et dans la transparence, l’équité et l’explicabilité, c’est-à-dire la possibilité de pouvoir déterminer le process d’analyse de l’outil d’IA. Ce sont des principes indispensables, dira-t-il, pour éviter des dérives discriminatoires et respecter les exigences des régulateurs. In fine, l’expert en IA a insisté sur l’importance cruciale de protéger les données sensibles et la nécessité pour les institutions bancaires sous régionales de s’ouvrir vers une transformation numérique mais sans pour autant substituer totalement l’IA aux jugements humains, l’instrument technologique devant rester un outil d’aide à la décision.
Animé par un expert international à l’expérience avérée dans les systèmes financiers européens et nord-américains, Rayang-Ne-Wendé Wininga, le troisième panel a été consacré à l’évolution réglementaire. La question centrale étant d’analyser si ce dynamisme réglementaire est un moteur d’innovation ou un frein pour les banques.

Pour le paneliste, actuellement Directeur des risques du groupe Vista Bank, les régulations, telles que les circulaires de la BCEAO ou les standards de Bâle, ne doivent pas être vues comme des obstacles, mais comme « des ceintures de sécurité permettant d’aller plus loin sans risque majeur ». Il a précisé l’importance de mettre en place une gouvernance solide, et la nécessité d’avoir une séparation claire des trois lignes de défense : d’abord à travers les métiers opérationnels, ensuite par la fonction risques et enfin par l’audit interne.
« L’enjeu est d’aligner nos pratiques locales sur les standards mondiaux, tout en tenant compte des réalités spécifiques de la zone UEMOA », a-t-il insisté.
Intégrer l’IA, tout en gardant la dimension humaine
Ainsi, selon M. Wininga, les exigences règlementaires, bien que contraignantes, offrent une opportunité aux banques de moderniser leurs systèmes d’information et de mettre en place des outils innovants de surveillance. Au cours de cette intervention, les échanges ont permis de noter la nécessité d’investir dans des ressources humaines très bien qualifiées et dans des technologies de pointe adaptées.

Quant au quatrième et dernier panel, portant sur l’automatisation et la digitalisation au service de l’octroi de crédit, il a été animé par le conseiller technique du Directeur général de IB Bank Togo et spécialiste éprouvé en gestion des risques et des engagements, Khalid Yacoubou-Boukari. Il a axé son intervention sur l’intégration de la digitalisation et de l’intelligence artificielle dans le processus d’octroi de crédit, avec un focus particulier sur l’exemple innovant d’IB Bank Togo.
M. Yacoubou-Boukari a retracé le parcours de transformation numérique d’IB Bank Togo, qui s’est lancée dans un ambitieux projet visant à réduire les délais de traitement et à accroître la précision des décisions. Grâce à des solutions digitales, l’institution ambitionne d’automatiser les étapes de collecte de documents, de qualification des données et de gestion du crédit, tout en laissant aux membres du comité de crédit la décision finale, afin de conserver une dimension humaine indispensable.
Les échanges ont porté, entre autres, sur des questions pratiques : comment assurer la protection des données sensibles dans un contexte d’ouverture numérique, comment convaincre la force de vente d’adopter ces nouveaux outils sans craindre pour la qualité de la relation client, et comment rationaliser les coûts liés à ces investissements technologiques.
Poursuivre la réalisation de ses grandes et nobles ambitions
Tout au long de la masterclass, de nombreux échanges interactifs ont ponctué les différentes interventions. Les préoccupations des participants étaient relatifs à des sujets divers, allant de la couverture du risque par des tiers à l’utilisation d’outils de surveillance des réseaux sociaux pour protéger la réputation bancaire, en passant par la faisabilité d’une gouvernance modernisée intégrant des produits d’intelligence artificielle, tout en préservant la transparence dans la prise de décision et l’équité envers la clientèle.
La session s’est conclue sur une allocution finale du SG du club JBF, Mamadou Barry, qui, au nom du président, a remercié les participants et les panelistes pour leur intérêt et l’engouement affichés tout au long de cette masterclass du club JBF, ainsi que lors les précédentes.

Rappelant les objectifs de la structure de devenir un acteur incontournable dans la promotion du savoir et le partage d’expériences au sein de la sphère bancaire et financière, Mr Barry a invité les différents acteurs de la finance et de la banque à adhérer au club pour lui donner davantage de force d’aller plus loin dans la réalisation de ses grandes et nobles ambitions, notamment celle de contribuer activement à la stabilité et à la modernisation du système financier national et régional.
Mamadou Barry a en outre évoqué des perspectives qui s’annoncent prometteuses, notamment d’autres rencontres de haut niveau, en ligne et en présentiel, pour accompagner la capacitation des jeunes cadres, et partant la transformation digitale de la finance en Afrique.
Mouni N’GOLO
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