Selon le dernier rapport du FMI, le PIB (produit intérieur brut) nominal de l'espace UEMOA devrait dépasser pour la première fois celui du Nigéria en 2024. Une performance historique pleine de symboles.
Malgré un contexte international et régional marqué par des incertitudes et des crises multidimensionnelles, la zone Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) reste l’une des économies ayant enregistré une croissance continue ces dix dernières années. En 2024, l’activité économique réaliserait une performance historique.
En effet, selon le dernier rapport du FMI, publié en octobre 2024, le Produit intérieur brut (PIB) de l’UEMOA dépasserait celui du géant Nigéria. Il atteindrait 217,1 milliards de dollars (en hausse de 19,2 milliards, ou 9,7%), contre 199,7 milliards pour le Nigéria (en baisse de 164,1 milliards, ou 45,1 %).
« Un fait historique et une évolution majeure qui résultent principalement d’un dynamisme économique largement supérieur, se traduisant par une montée en puissance de l’UEMOA au sein de la CEDEAO, dont elle constitue désormais l’élément dominant », selon le Centre d'étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF).
Ce think tank souligne que l’UEMOA a réalisé cette grande performance économique, bien que ses ressources naturelles (hydrocarbures) et sa population soient plus faibles que celles du Nigéria.
Selon les dernières données de l’ONU, la zone UEMOA avec ses huit pays membres compte 151,7 millions d’habitants en mi-2024, contre 232,7 millions d’habitants pour le Nigéria à la même période, soit un écart de 81 millions d’habitants. Pour ce qui est de la production pétrolière de l’UEMOA pour l’année 2024, elle sera au moins sept fois moins importante que celle du Nigéria, premier producteur africain de pétrole et dont la production devrait atteindre une moyenne d’un peu plus de 1,3 millions de barils par jour, indique le CERMF.
Si le dépassement du Nigéria par l’espace UEMOA, poursuit le centre, est en partie la résultante des incessantes dépréciations et dévaluations de la monnaie nationale nigériane, le Naïra, qui a perdu au 22 novembre dernier, 47,3 % de sa valeur par rapport au dollar américain depuis le début de l’année ; à l’inverse, ce grand bon de l’UEMOA s’explique avant tout par un grand dynamisme économique au sein de cet espace communautaire depuis de nombreuses années.
Une meilleure maitrise de l’inflation
« En effet, et grâce notamment aux efforts notables réalisés pour l’amélioration du climat des affaires, et aux nombreuses avancées en matière de bonne gouvernance et de diversification, l’espace UEMOA a enregistré un taux de croissance annuel de 5,5 % sur la décennie 2014-2023, contre seulement 2,0 % pour le Nigéria (soit un taux également inférieur à celui de sa croissance démographique, estimé à 2,4 % sur la période). Celui-ci devrait d’ailleurs connaître une progression de seulement 2,9 % en 2024 et 3,2 % en 2025, selon le FMI, contre non moins de 6,3 % et 6,6 % pour l’espace UEMOA », précise le CERMF.
Cette embellie économie de l’Union s’appuie aussi sur une meilleure maitrise des indicateurs macroéconomiques comme l’inflation, « qui n’a atteint qu’un niveau annuel de 1,9 % sur la décennie de 2014-2023, contre non moins de 14,6 % au Nigéria, où le pouvoir d’achat et le niveau de vie de la population ont été grandement affectés par la hausse continue des prix à la consommation ».
Le centre considère le manque de dynamisme du Nigéria et ses graves difficultés économiques comme étant le résultat de plusieurs années de mauvaise gouvernance, marquées par un niveau élevé de corruption et de détournements de fonds, par un environnement peu favorable à l'investissement et aux affaires et par un manque de diversification de son économie, les hydrocarbures représentant encore environ 90 % des exportations du pays.
Et naturellement, comme il fallait s’y attendre, ces contreperformances économiques ont engendré de mauvais indicateurs sociaux, plaçant parfois le Nigéria aux toutes dernières places des classements internationaux. Avec une espérance de vie de 53,6 années en 2022, selon la Banque mondiale, ce géant ouest-africain, voire africain, se positionne au troisième plus faible niveau au monde.
L’UEMOA, région la plus intégrée du continent
Le Nigéria se classe également au troisième niveau de mortalité infantile le plus élevé au monde, avec un taux de 68,5 décès pour 1000 naissances vivantes en 2022. Sans oublier que le Nigéria affichait un taux d’accès à l’électricité de seulement 60,5 % en 2022.
Pendant ce temps, les niveaux élevés de croissance observés au sein de l’UEMOA durant la décennie 2014-2023, et attendus pour 2024 et 2025, confirment le statut de plus vaste zone de forte croissance du continent détenu par cet espace ouest-africain. Cette prouesse économique de l’Union s’explique aussi par le fait que l’espace UEMOA est la zone la plus intégrée du continent, devant la CEMAC.
« La croissance robuste de l’espace UEMOA se traduit également par la montée en puissance de celui-ci au sein de la CEDEAO, dont il constitue désormais la partie dominante », souligne le CERMF. Pour preuve, le poids du PIB de l’UEMOA devrait passer de 128,6 milliards de dollars à 217,1 milliards, soit de 16,6 % à 40,6 % du PIB global de la CEDEAO en 2024 ; alors que celui du Nigéria passerait sur la même période de 568,5 milliards à 199,7 milliards en 2024, soit une baisse de 73,5 % % à 37,3 % du PIB global de la CEDEAO.
Et cet écart désormais favorable à l’UEMOA, devrait s’accentuer en 2025 avec une part attendue à 42,9 % pour cet espace, selon le FMI, contre 35,1 % pour le Nigéria.
L’espace UEMOA affiche donc désormais un niveau de PIB par habitant globalement supérieur à la moyenne régionale. Et tous les pays membres de cette Union, à l’exception du Niger, dépassent désormais le Nigéria en la matière.
« Avec un PIB par habitant attendu à 2 720 dollars pour l’année 2024, la Côte d’Ivoire arrive largement en tête de l’espace UEMOA, et même de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest continentale (soit la CEDEAO hors Cap-Vert), loin devant le Nigéria qui devrait afficher un niveau de seulement 877 dollars. De même, ce dernier fait désormais partie des quatre pays les plus pauvres de la CEDEAO, dont trois sont anglophones (Liberia, Sierra Leone et Nigéria) », note le Centre d’études et de réflexion sur le monde francophone. Et de conclure que cette montée en puissance de l’espace UEMOA ne serait pas sans conséquences sur le projet de création de la monnaie unique ouest-africaine, l’Eco.
Ra-Yangnéwindé