Le capital investissement était au centre d’un panel organisé dans le cadre de la 2e édition de la Semaine de l’Epargne et de l’investissement (SEI) tenue les 7 et 8 février 2025, à Ouagadougou, sous le thème : « Sécuriser son épargne et construire un avenir financier durable : Stratégies endogènes pour un développement résilient face aux défis sécuritaires et aux arnaques ». Un cadre qui a servi de tribune pour les experts de décrypter le capital investissement et ses avantages en termes d’alternative aux financements classiques des PME et de renforcement de leurs capacités.
Un paradoxe caractérise la situation des petites et moyennes entreprises (PME) en Afrique. Elles occupent une place importante dans le tissu économique du continent, dans la formation de son PIB, dans la création d’emplois. Mais elles peinent à accéder aux financements nécessaires au déploiement de leur potentiel de croissance. Le capital investissement semble une alternative efficace au difficile accès de cette catégorie d’entreprises au capital.
Malheureusement le concept est bien peu connu de nombre de dirigeants de PME. Dans l’objectif de permettre aux jeunes et potentiels entrepreneurs de cerner ce mécanisme alternatif de financement des entreprises, son mode opératoire et ses avantages, les organisateurs de la 2e édition de la Semaine de l’Epargne et de l’investissement (SEI), tenue les 7 et 8 février 2025, à Ouagadougou, l’ont inscrit au centre d’un panel animé par des experts du sujet, sous la modération du Directeur Marketing et Communication de Coris Invest Group Holding et Directeur Commercial et Marketing de AFRIDIA INDUSTRIES, Bili Edouard Tieno.

D’entrée de jeu, le directeur général de Coris Bourse, Fancho Hermann Traoré, a relevé une constante chez les PME africaines : elles ont tendance à se faire financer uniquement par le secteur bancaire, alors qu’il existe des financements alternatifs comme le Capital investissement.
Pour lui, le Capital investissement consiste à des prises de participation dans le capital d’une PME non cotée en Bourse pour financer ses différentes phases de croissance, qu’il s’agisse des phases de démarrage, d’amorçage, de croissance, de transmission, de retournement. Et chaque phase correspond à un type d’investissement, de financement donné, a précisé M. Traoré.
A l’étape du démarrage ou de création de l’entreprise, les fonds d’investissement apporte un capital risque à la PME pour lui permettre d’entamer ses activités, a précisé l’administrateur général de la société d’investissement Nokra Capital, Issouf Guiko. Et au Burkina Faso, il existe des fonds d’investissements qui interviennent dans ce type de financement, a-t-il indiqué. A la phase de croissance de la PME, le type de financement qu’apporte la société d’investissement est le capital développement qui vise à financer la croissance de la PME.
Renforcement des fonds propres
« C’est lorsque vous avez une entreprise qui marche très bien et que vous voulez aller sur d’autres marchés que vous faites alors appel à un fonds d’investissement pour qu’il vous accompagne à développer cet aspect de la vie de votre entreprise », a expliqué M. Guinko.

Le troisième type de capital investissement, a-t-il poursuivi, est le capital transmission, qui intervient lorsque l’apporteur de fonds entre dans le capital de la PME, prend des participations majoritaires, développe l’entreprise pendant une période bien donnée avant de se retirer, en vous vendant ses participations à sa sortie du capital pour vous laisser la gestion de l’entreprise.
Enfin, le dernier type de financement du capital investissement est le capital retournement. « C’est lorsque votre entreprise est au bord de la faillite. Le fonds d’investissement intervient pour racheter l’entreprise. Il nomme un directeur général, développe la structure jusqu’à un certain niveau avant de vous la revendre », a détaillé l’administrateur général de Nokra Capital.
Malheureusement, au Burkina Faso, il n’y a pas de société d’investissement qui développe ce type de solution de financement, a-t-il souligné.
Le directeur général de l’Agence de financement et de promotion des petites et moyennes entreprises (AFP/PME), Issa Traoré, a fait savoir qu’il existe deux modalités de financement des entreprises : la dette et les fonds propres.
« Mais pour avoir la dette, il faut avoir suffisamment de fonds propres. Malheureusement nous avons des PME sous-capitalisées, qui n’ont pas assez de fonds propres. C’est là que le capital investissement trouve son fondement. Il est un outil qui permet de renforcer les fonds propres, en apportant des ressources supplémentaires », a-t-il argumenté.
Et c’est face au frein lié à la mobilisation des garanties nécessaires pour le financement par la dette que l’AFP/PME a lancé en mai 2024, un capital risque au profit des PME burkinabè. Et sur une soixantaine de candidatures, 20 PME ont été déjà sélectionnées, sur la base des critères de choix fondés sur la personne du promoteur de l’entreprise et le rendement attendu en termes de plus-values de sortie.

Le Fonds burkinabè de développement économique et social (FBDES) a aussi mis en place un capital investissement pour accompagner les entreprises burkinabè dans leurs phases d’amorçage, de développement ou de retournement, et qui semble produire des résultats.
Plus qu’un apport en capital
Outre l’entreprise de transformation de tomates, Sofato, deux start-ups qui ont déjà bénéficié, dans le cadre du programme "Burkina start-up", de ce modèle de financement, sont des modèles de réussite. Ils arrivent à mobiliser des ressources sur des marchés de financement classique, a confié le directeur de l’investissement stratégique du FBDES, Magloire Nitiema.
A l’AFP/PME, le montant maximum de prise de participation dans le capital d’une PME est de 10 millions F CFA ; au FBDES, il varie entre 40% et 45% du capital de l’entreprise selon le type de financement. Mais au niveau des sociétés privées d’investissements, il n’y pas de ticket fixe.
En récapitulatif, dira le modérateur, M. Tieno, le capital investissement est un outil clé adapté aux besoins des PME. Car, plus qu’un apport de financement, il participe à la performance globale de l’entreprise.

« Globalement, le capital investissement a pour avantage l’accès de la PME au capital, son évolution rapide et efficace grâce à l’expertise que le Fonds d’investissement va lui apporter, le potentiel de rentabilité pour l’investisseur, la valorisation améliorée de la PME à travers une Due intelligence et l’opportunité de collaborer avec un partenaire expérimenté », a précisé le directeur général de Coris Bourse.
Et tous ces avantages montrent que le Fonds n’apporte pas que du capital à la PME. Il renforce aussi les capacités techniques, organisationnelles, opérationnelles à travers son expertise, son expérience qu’il injecte dans la gouvernance de l’entreprise, dans l’amélioration de ses produits, de sa productivité. Le capital investissement participe ainsi à structurer la PME, à travers un programme d’accompagnement pour l’amélioration de la gouvernance administrative, financière, l’établissement des états financiers et sociaux. L’objectif est d’améliorer la gouvernance globale de l’entreprise afin de lui permettre de consommer de manière efficiente les fonds mis à sa disposition, a confié Fancho Hermann Traoré.

Les participants à la 2e édition de la SEI ont été outillés sur les avantages qu’offre le capital investissement en tant qu’instrument alternatif de financement des PME.
En somme, a renchéri M. Guinko, vous avez un partenaire qui est là pour aider à développer votre entreprise, tout en partageant avec vous le management, la gouvernance mais aussi les risques. En résumé, le fonds d’investissement est un véhicule de financement qui n’a pas vocation à s’éterniser dans le capital de la PME où elle prend des participations. Il est fondé sur un modèle économique consistant à valoriser l’entreprise à un niveau élevé par rapport à sa valeur initiale, avant de vendre ses participations pour se faire des plus-values, a soutenu Issouf Guinko.
La bourse, meilleure porte de sortie
Au bout de l’échéance, le fonds qui a apporté des ressources à la PME va ainsi sortir du capital, et la meilleure porte de sortie est l’entrée de l’entreprise en bourse, en permettant différents investisseurs, actionnaires d’entrer dans le capital, a fait savoir Fancho Hermann Traoré. Et cette cession de la PME par l’entremise de la bourse a l’avantage de permettre de préserver les acquis de l’entreprise en termes de gouvernance, de poursuite de sa croissance.
Malgré les avantages avérés du capital investissement et bien qu’il soit mieux adapté aux besoins des PME, de nombreux facteurs freinent encore l’engouement vers ce modèle alternatif de financement. Et le premier frein, a laissé entendre le directeur général de l’AFP/PME, Issa Traoré, est d’ordre culturel.

« Le capital investissement suppose qu’il faut ouvrir son capital à des personnes externes. Alors que le Burkinabè préfère être seul à bord que de s’associer à d’autres personnes pour fonder une entreprise. C’est un élément culturel qui fait que ce genre d’outil a du mal à prospérer », a-t-il déploré.
Alors que quand on est à deux ou trois, cela donne deux ou trois réseaux relationnels, deux ou trois expertises. A ce facteur culturel s’ajoute la question de la gouvernance. Beaucoup de PME, a-t-il insisté, sont limitées à la personne de son créateur ; alors que, pour implémenter ce type d’instrument, il faudrait une certaine bonne gouvernance, de sorte à ce que les prises de décisions soient éclairées et permettre à l’entreprise d’atteindre sa vision stratégique.
Si le capital est bénéfique à la fois pour la PME, qui gagne en capital et renforcement de capacités opérationnelles, et pour le fonds qui s’en sort avec des taux de sortie très élevés, il comporte aussi beaucoup de risques, surtout pour l’investisseur. Car, si l’entreprise ne prospère pas, il perd toute sa mise. C’est pourquoi, il lui convient de savoir composer son portefeuille et de diversifier ses investissements.
Ra-Yangnéwindé
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