Dans le cadre de la promotion de ses actions de prospection de potentiels partenaires, la Société coopérative avec Conseil d’administration/Burkina Mine (SCCOP-CA/BM) a organisé un panel le vendredi 24 janvier à Ouagadougou au cours duquel des acteurs et experts miniers ont développé les potentialités et les défis du secteur des mines au Burkina Faso, devant un grand public.
Le secteur minier du Burkina Faso, l’un des plus prometteurs de la sous-région, attire de plus en plus l'attention des investisseurs nationaux. Lors d'un panel organisé le 24 janvier 2025 par la Société coopérative avec Conseil d’administration Burkina Mine (SCOOP-CA/BM), plusieurs acteurs clés du secteur ont discuté des enjeux majeurs et des opportunités d'investissement, mais aussi des défis auxquels le pays doit faire face pour assurer une exploitation minière durable et inclusive. A cette occasion, des responsables du ministère en charge des Mines, des représentants du secteur privé, et des experts du domaine minier, réunis autour de cette initiative de la SCOOP-CA/BM, ont présenté le potentiel minier burkinabè et mis en exergue les défis liés à la présence des nationaux dans la chaine de valeurs minière.
A ce titre, l’ancien directeur général du Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina (BUMIGEB), Samuel Djiguemdé, a souligné le potentiel énorme du pays en matière de ressources minières.
« Beaucoup d’indices ont été mis en évidence. Ce qui est très bien connu, c’est l’or. Au Burkina partout où l’on va, il y a de l’or et les recherches se poursuivent. Actuellement, le pays compte 12 mines en exploitation. Sans compter le secteur de l’artisanat minier qui enregistre plus de 800 sites d’exploitation artisanale selon les données de 2018 », a-t-il fait savoir.
Et pour lui, l’exploitation artisanale nécessite juste que les acteurs mettent davantage l’accent sur l’organisation pour pouvoir évoluer vers la création de petites mines, voire plus, afin de capter cet énorme potentiel.
Poursuivant sa présentation, l’ancien DG, par ailleurs géologue de profession, a déclaré que le Burkina regorge de bien d’autres ressources en dehors de l’or. Les ressources les plus évidentes étant le manganèse, dont le potentiel est toujours présent. « Il faut faire de nouvelles études pour relancer la machine », a-t-il relevé.
Le défi de la transformation locale
Il y a également du cuivre dans le Sud-Ouest et bien d’autres ressources qui pourraient entrer dans la catégorie de minéraux critiques pour le Burkina Faso. Sur la notion de minerais critiques Mr Djiguemdé a appelé à éviter l’amalgame, car ce qui est critique ou stratégique pour les pays développés ne l’est pas forcément pour les pays africains.
« Le phosphate peut être considéré comme minerai critique pour le Burkina, parce qu’il est essentiel pour enrichir les sols et favoriser la production agricole », a-t-il fait remarquer, tout en insistant que la criticité des minéraux se définit donc par rapport aux besoins stratégiques de chaque pays.
A la suite de l’ancien directeur général du BUMIGEB l’enseignant-chercheur en géologie, Dr Saga Sawadogo, également paneliste, a indiqué que le Burkina Faso est considéré comme un pays minier depuis 1959 et figure sur les premières cartes géologiques élaborées par l’ancien colonisateur qui avait, dans un premier temps, retiré le pays de la liste des colonies à potentiel minier.
« En 1997, le Burkina Faso déclarait sa politique minière. Le premier code minier, un code de première génération, a été adopté en 2003. Le deuxième en 2015 sous la transition et le tout nouveau code minier en 2024 », a-t-il spécifié.
Ancien directeur de production de la société d’exploitation des phosphates du Burkina, Dr Sawadogo a indiqué que le Burkina dispose de trois gisements de phosphates dans la région de l’est avec une capacité de 200 millions de tonnes de minerais à Diapaga. Faisant remarquer le caractère agricole du pays, avec 80 % de sa population dépendant de l’agriculture, l’expert géologue a souligné que le phosphate transformé permet d’amender les sols, de fabriquer des engrais.
« Notre pays prend 60 % de ses engrais au Mali, qui part prendre la matière première au Togo, traverse le Burkina pour aller à Ségou fabriquer l’engrais pour nous le vendre. Tout ce long circuit montre que la transformation locale peut nous aider », a-t-il expliqué.
C’est ce qui justifie le projet de mise en place d’une usine de transformation à Koupèla avec une capacité de production de 600 mille tonnes d’engrais.
Développer l’expertise nationale
Au-delà du phosphate, le manganèse aussi est une ressource dont dispose le Burkina avec environ 100 millions de tonnes de minerais de manganèse à Tambao. Combiné avec d’autres éléments, le manganèse peut servir à fabriquer des blindés, a soutenu Dr Saga Sawadogo, faisant le parallèle avec le contexte sécuritaire pour insister sur le caractère stratégique de ce minerai.
Mais en définitive, si Dr Sawadogo note que « le secteur minier burkinabè se porte bien », il estime toutefois que l’avenir de ce secteur reste sujet à caution du fait de la faiblesse des projets d’exploration dû au contexte sécuritaire qui rend inaccessible certaines zones du pays. « Actuellement l’exploration est en dormance alors que l’avenir du secteur minier repose sur les activités d’exploration », a-t-il déclaré.
Représentant le Ministère de l’Energie, des Mines et des Carrières à ce panel, le Chargé de mission, Alexis Dakuyo, a mis en évidence les mécanismes mis en place par les pouvoirs publics pour encourager le développement du secteur, notamment en faveur des acteurs nationaux.
Les réformes du nouveau code minier du 18 juillet 2024 introduisent des innovations facilitant l’entrée des Burkinabè sur toute la chaine de l’exploitation extractive, pour en faire, à termes, des investisseurs miniers pleins.
« Ce sont les multinationales, qui ont la tradition de l’exploitation minière, qui dominent le secteur. La vision du chef de l’Etat est que l’exploitation de mine semi-mécanisée soit réservée aux nationaux », a-t-il relevé.
Autre réforme d’envergure introduite dans la gouvernance minière, est l’adoption de la loi spéciale sur le contenu local dans le secteur minier du 18 juillet 2024, qui priorise les entreprises locales dans les marchés de sous-traitance, c’est-à-dire, la fourniture de biens et services miniers aux entreprises minières.
Alexis Dakuyo a indiqué que le secteur minier étant un levier de croissance économique susceptible de favoriser l’émergence des autres secteurs (service, finance, travaux publics, carrières), la vision des autorités du pays est de permettre aux fournisseurs locaux d’apprendre aux côtés des multinationales qui ont la culture minière afin de créer une expertise locale pour qu’à terme, il y ait plus de nationaux dans les postes stratégiques. Et dans cette même dynamique, le Chargé de mission a annoncé que l’artisanat minier sera également encadré, et qu’une stratégie est en cours d’élaboration, assortie d’une feuille de route, pour permettre aux acteurs de l’exploitation artisanale d’exister sous forme de coopératives.
Mouni N’GOLO
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