Le Réseau national de lutte contre la corruption (REN-LAC) a publié son rapport public annuel 2023 sur l’état de la corruption au Burkina Faso. Ce22e rapport désigne la Police municipale, la Douane et la Police nationale parmi les administrations publiques les plus corrompus au pays des Hommes intègres. La publication fait également des recommandations aux différents acteurs impliqués dans la lutte contre la corruption pour une gestion saine des finances publiques.
Après avoir manqué au rendez-vous l’année dernière, le Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) a publié son rapport 2023, le mardi 26 novembre 2024, à Ouagadougou. Les sondages de l’organisation de lutte anticorruption donnent cette année encore, comme en 2021, la Police municipale, la Douane et la Police nationale comme les trois administrations publiques les plus corrompues dans l’ordre cité.
Ensuite arrivent la Direction générale des transports terrestres et maritimes (DGTTM), les services de santé, l’enseignement secondaire, les impôts, les collectivités territoriales, les services de l’agriculture et la gendarmerie.
L’un des faits marquant de ce rapport du RENLAC est la baisse de la perception de la fréquence de la corruption de 20% par rapport aux données de 2021. 65,7% des personnes interrogées estiment que la corruption est fréquente en 2023, alors qu’ils étaient plus de 85% en 2021. 63% des personnes enquêtées notent même que la corruption régresse. Ce qui se traduit au niveau de l’indice synthétique de perception de la corruption qui se situe à 40 (sur une échelle de valeur entre 0 et 100), la plus faible valeur indiciaire depuis 2007.
S’il y des administrations corrompues, c’est qu’il y a des usagers corrupteurs. Le rapport du REN-LAC relève par exemple que 26% des personnes enquêtées ont affirmé avoir personnellement offert au moins une rétribution illégale à des agents publics, en baisse par rapport à l’année dernière, tandis que 40,5% sont impliqués ou témoins directs d’un acte de corruption. Cet indice était de 50% en 2021.
Même dans la distribution des vivres aux PDI…
Mettant en exergue des points de vue saillants de personnes enquêtées, on note ainsi que la corruption se manifeste souvent dans des situations les plus improbables et à l’encontre même de personnes vulnérables.
« Quand nous prenons l’exemple de la distribution des dotations en produits alimentaires pour les PDI, tant que tu ne connais pas quelqu’un tu n’auras rien. Nous voyons les mêmes personnes avoir tous les jours ces dotations sans même être des personnes vulnérables et nécessiteuses », relève une personne enquêtée.
Comme point positif, le rapport indique que la moitié des personnes enquêtées se dit satisfaite voire très satisfaite des actions du gouvernement contre la corruption, tandis que 73% souhaitent que le gouvernement adopte des sanctions exemplaires et dissuasives à l’endroit des personnes épinglées dans les actes de corruption. 61% invitent à renforcer l’information et la sensibilisation des citoyens sur la corruption et ses méfaits, alors que 28% suggèrent de promouvoir le bon exemple.
En matière d’actions entreprises, le REN-LAC dit avoir répertorié 133 dossiers judiciaires relatifs à des cas de corruption et 729 plaintes et dénonciations de faits de corruption.
Comme mesure palliative, l’institution recommande notamment à l’Etat de renforcer le contrôle de l’action gouvernementale dans les secteurs de la défense et de la sécurité par des interpellations systématiques de l’Exécutif en cas de dénonciations publiques ou de manquements constatés. La relecture de la législation sur la commande publique afin de réduire les recours aux procédures exceptionnelles est également une recommandation formulée à l’endroit de l’Etat.
Vis-à-vis des acteurs non étatiques, le REN-LAC invite à poursuivre le contrôle citoyen de l’action publique en renforçant les dénonciations, interpellations et actions judiciaires contre les faits de corruption ; poursuivre et renforcer les actions de sensibilisation des citoyens contre la corruption et l’impunité des crimes économiques.
A l’endroit des services perçus comme les plus corrompus, il est préconisé de mettre en place un dispositif interne de prévention et de lutte contre la corruption, fluidifier les prestations de service dans la délivrance des actes administratifs à travers le raccourcissement des délais, de dématérialiser le paiement des actes administratifs et le système de contrôle des trafics routiers.
Le législatif et l’exécutif interpellés
« Ce ne sont là que quelques recommandations, mais nous restons convaincus que si elles sont mises en œuvre par les acteurs concernés, elles devraient contribuer à réduire significativement la corruption dans notre pays », a indiqué le Secrétaire exécutif du REN-LAC, Sagado Nacanabo. Il a par ailleurs interpellé les autorités sur leurs responsabilités dans le renforcement de la lutte contre la corruption.
« Certains actes du gouvernement comme le règlement transactionnel de l’affaire charbon fin ont même laissé planer le doute sur sa réelle volonté politique à lutter contre le phénomène. Quant à l’Assemblée législative de la Transition (ALT), ses actions de lutte anti-corruption n’ont pas été perceptibles en 2023. Les différentes Missions d’Informations parlementaires qu’elle a conduites ne se sont pas particulièrement intéressées à la question de la corruption. Par ailleurs, on observe une harmonie totale de vue entre le pouvoir législatif et l’exécutif, de sorte que la majorité des propositions du Gouvernement soumises à l’ALT ont été adoptées à l’unanimité par cette institution », a-t-il souligné.
Déplorant le contexte national défavorable à la liberté d’expression, Monsieur Nacanabo a invité les autorités étatiques à favoriser la liberté d’expression de sorte à encourager les dénonciations de cas de corruption et de mauvaise gouvernance. Sagado Nacanabo a par contre salué les actions des corps de contrôle de l’Etat, notamment de l’ASCE-LC, dans la lutte contre les crimes économiques qui s’est distinguée, a-t-il relevé, par la publication des résultats des audits de la gestion des différentes institutions, notamment, l’audit de l’Assemblée nationale qui a révélé des irrégularités portant sur plusieurs milliards FCFA.
La publication du rapport du RENLAC a été possible cette année grâce au projet « Faciliter la redevabilité et la veille citoyenne avec la société civile » porté par le Laboratoire citoyenneté avec plusieurs autres organisations de la société civile.
Mouni N’GOLO
Comments est propulsé par CComment