Burkina/Nouvelle loi sur la microfinance : un nouveau cadre pour assurer transparence et viabilité

Le Burkina Faso a franchi une nouvelle étape en matière de régulation de la microfinance avec l'adoption, le 13 février 2025, d'une loi dédiée à ce secteur clé pour l'inclusion financière. Ce texte, validé par l’Assemblée Législative de Transition (ALT), positionne le pays comme pionnier en Afrique de l’Ouest après le Niger et le Sénégal, qui ont récemment adopté des législations similaires.
La révision du cadre législatif de la microfinance avec l’adoption, le 13 février dernier, de la loi portant règlementation de la microfinance au Burkina Faso, introduit des réformes dans ce secteur. Le Directeur de la Surveillance et du Contrôle des Systèmes Financiers Décentralisés, Inspecteur du Trésor et Expert certifié en microfinance, Dr Ousseny Kaboré a partagé avec C’Finance son analyse sur ce nouveau cadre juridique.
Avec cette nouvelle loi qui marque la troisième avancée majeure dans la réglementation de la microfinance burkinabè, après la loi PARMEC de 1994 (adoptée dans le cadre du Programme d'Appui à la Réglementation des Mutuelles d'Epargne et de Crédit) et celle de 2009 sur les systèmes financiers décentralisés (SFD), le pays modernise encore son cadre législatif pour répondre aux défis actuels, apporte des changements notables pour garantir la résilience et la transparence des institutions de microfinance (IMF).
Les principales innovations portent, précise Dr Kaboré, sur le renforcement de la gouvernance des IMF, la clarification des rôles et responsabilités des Autorités de supervision, l'instauration d'un capital social minimum, l'application du principe de proportionnalité, l'élargissement des activités autorisées aux IMF, la rationalisation des formes juridiques, la protection des coopérateurs ou clients, l’intégration de dispositions de base de la finance islamique, le traitement des institutions de microfinance en difficulté.
Ce nouveau dispositif législatif comporte donc de nombreuses implications pour les IMF. Sur le plan de la gouvernance, elles sont désormais astreintes à la mise en place d’un dispositif de gouvernance adéquat tenant compte du principe de proportionnalité basée sur un partage de responsabilités clairement défini, au respect de l’incompatibilité des fonctions avec des rôles politiques pour les membres des organes dirigeants, à la limitation du nombre de mandat des administrateurs, qui ne peuvent exercer la même fonction auprès d’une autre institution de microfinance sur le territoire national.
Règles prudentielles spécifiques par IMF
« Les commissaires aux comptes doivent signaler, au Ministre chargé des Finances ou à la Commission Bancaire, sans délai, tout fait concernant l'institution de microfinance qu’ils contrôlent, de nature à conduire à l'impossibilité d'émettre une opinion ou à l'émission d'une opinion avec réserves ou d'une opinion défavorable sur les comptes », ajoute Dr Kaboré. Sans oublier, qu’au titre du renforcement de la gouvernance, l’Autorité de supervision et la Banque Centrale ont la possibilité d’exiger de certaines institutions de microfinance la mise en place de comités spécialisés, de fonctions de contrôle ou de structures spécifiques selon la taille, la forme juridique, la structure et le profil de risque de l’IMF.
En matière du système d’information, les institutions de micro finance se doivent désormais de se doter d’un SIG devant permettre l’adhésion aux centrales d’informations relatives au partage d’informations sur le crédit, au système interopérable des services financiers numériques institué par la Banque Centrale et la fourniture d’une interface d’accès pour les institutions de microfinance qui gèrent des comptes accessibles en ligne, explique le Directeur de la Surveillance et du Contrôle des Systèmes Financiers Décentralisés. Mieux, elles doivent disposer d’un système d’information sécurisé s’appuyant sur une infrastructure informatique qui permet d’assurer la disponibilité, la confidentialité, la qualité, la fiabilité et l'intégrité des données.

S’agissant des implications en matière de la gestion des risques, elles sont relatives au respect des règles prudentielles spécifiques par IMF en application du principe de proportionnalité selon sa taille, sa forme juridique, le profil de son risque et de l’importance systémique, à l’instauration d’un dispositif de contrôle interne pour toutes les IMF ; mais aussi à l’élaboration d’un plan de retour à la conformité assorti d'un chronogramme de mise en œuvre précis et des mesures envisagées pour restaurer ou renforcer la situation de l’IMF ainsi que les moyens à mobiliser.
Des challenges pour les IMF
L’opérationnalisation de cette nouvelle loi implique des défis notables pour les IMF. Elle nécessité en effet une transformation institutionnelle pour se conformer aux nouvelles exigences, un renforcement des capacités techniques et humaines, notamment par la formation des personnels, une professionnalisation accrue avec des outils modernes et une gestion efficace adaptée aux évolutions technologiques.
Du point de vue de la formalisation, la nouvelle loi restreint les formes juridiques à deux modèles : les sociétés coopératives et les sociétés anonymes. La société coopérative favorise la démocratie économique et offre des avantages fiscaux, mais implique une prise de décision souvent complexe, tandis que la société anonyme privilégie la gouvernance et l'accès au capital, tout en soulevant des questions sur l'alignement avec l’esprit social de la microfinance.
Selon le directeur de la surveillance des SFD, avec cette réforme, le Burkina Faso cherche à renforcer la viabilité du secteur, crucial pour le financement des économies rurales et urbaines. Le nouveau cadre législatif actualisé est conçu pour dynamiser la finance inclusive, tout en s’adaptant aux spécificités locales. « Cette loi constitue un socle solide pour moderniser les IMF, relever les défis technologiques et garantir une protection renforcée des usagers. Toutefois, elle nécessite une mise en œuvre rigoureuse pour atteindre ses objectifs ambitieux. », souligne Dr Ousseni Kaboré.
Synthèse de Mouni N’GOLO